ANTONINI Carlo (Père) - Italie

On pourrait croire que le P. Carlo a choisi expressément ce premier dimanche de l’Avent pour sa rencontre définitive avec le Seigneur qui l’avait appelé. 

La belle métaphore choisie par un moine dans une réflexion sur l’Avent m’a éclairé : l’Avent, dit-il, est comme une porte grande ouverte devant nous, que nous sommes appelés à franchir pour nous aventurer sur un chemin qui nous conduit à une rencontre. Une porte grande ouverte... un sentier... une rencontre ! C’est une image qui dépeint très bien la vie du P. Carlo, toute sa vie et surtout les dernières années. Je le revois assis dans son fauteuil, devant la fenêtre grande ouverte donnant sur le portail de la maison, à l’affût de ceux qui sonnaient à la porte, dans l’attente... dans une continuelle attente.

Dans l’attente, oui..., mais après avoir entendu que l’on sonnait, il s’aventurait, avec son enthousiasme frais et candide, au-delà de cette porte pour aller au devant des personnes qui l’attendaient, et que le Seigneur lui confiait les unes après les autres.

Après le séminaire et les études à Colico et à Albiate, après sa consécration au Seigneur dans la Famille du Sacré-Cœur de Bétharram et son ordination presbytérale le 31 mai 1958, il s’était consacré à la formation des petits séminaristes à Albavilla. Il était devenu pour ainsi dire leur idole en raison de sa passion pour la moto, pour le sport, pour le ballon rond et aussi en raison de ses compétences en matière de moteurs et même en mathématiques.

Enthousiaste, voire impétueux, il ne tenait pas longtemps à l’intérieur des portes closes du séminaire ; il les ouvrait souvent en grand pour partir en hâte animer les oratoires et les paroisses des environs. Il se précipitait pour organiser la catéchèse, les tournois sportifs, les cours pour fiancés, pour célébrer les mariages, pour prendre des photos (sa passion), apportant partout son enthousiasme irréfrénable, son impétueuse chaleur humaine et sa sympathie naturelle.

Beaucoup de jeunes, aujourd’hui adultes, se souviennent encore de ses petites tapes amicales sur la joue. Le P. Carlo a voulu, au milieu de sa vie, obtenir 

d’abord la licence en théologie à l’Angelicum de Rome, puis le doctorat, toujours en théologie, au Latran, avec une thèse sur notre Fondateur dont il a toujours été particulièrement fier.

Pour s’aventurer à la rencontre avec les jeunes et avec toutes les personnes, pour annoncer l’Évangile avec compétence, en plus de l’enthousiasme, il ressentait le besoin d’une écoute attentive et méditée de la Parole, d’un approfondissement personnel, d’une solide préparation culturelle et théologique. Autant de bagages qui, outre l’enthousiasme de toujours, lui ont permis de vivre les expériences personnelles les plus variées :

• professeur très aimé pendant de nombreuses années au lycée scientifique d’Erba (Lombardie) et bras droit du directeur dans les années de la contestation étudiante,
• fondateur d’une nouvelle paroisse à Giussano (Lombardie),
• curé adjoint à Santa Rosa da Viterbo dans la banlieue romaine,
• curé de Carcano, près d’Albavilla (Lombardie),
• et enfin, pendant plus de quinze ans, curé à Sant’Ilario al Gallaratese (banlieue de Milan) où il a accompagné avec amour la communauté paroissiale et embelli sans économiser ses efforts la nouvelle église et où son physique solide a commencé à montrer les premiers signes de fatigue.

Après avoir laissé à contre-cœur la responsabilité de la paroisse, et se souvenant des paroles de Jésus que nous avons écoutées aujourd’hui aussi : « Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive », il a vécu ses six dernières années à Albavilla, ne s’épargnant jamais, et franchissant encore, à la moindre occasion, la porte grande ouverte de son cœur pour aller à la rencontre des personnes qu’il avait connues au fil du temps et retrouvées avec bonheur.

Il faisait sa promenade quotidienne chaque matin vers le marchand de journaux, en marchant avec difficulté mais heureux de retrouver de vieux amis au bar, s’aventurant encore dans un ministère pastoral, au cours duquel les fidèles devaient souvent retenir leur souffle, pour n’être pas habitués à ses fréquentes chutes précisément à l’autel pendant les célébrations... comme Jésus le long du Calvaire. Calvaire devenu pour le P. Carlo de plus en plus rude et éprouvant pendant la dernière année. Il faisait face néanmoins avec le sourire et sans une plainte.

Ces tout derniers jours, l’attente de la rencontre définitive et la plus vraie, entouré et soigné avec amour par sa famille, a été laborieuse. Je suppose qu’il a regardé une fois de plus avec les yeux du cœur la porte grande ouverte devant lui, dans l’attente...

Il n’a plus eu besoin de se déplacer ni de s’aventurer sur d’autres chemins de vie, il n’a plus eu besoin de sortir, ni d’aller au-devant... Le Seigneur lui-même, est venu à sa rencontre ! Il est venu au-devant de lui, avec Marie, la véritable « étoile » de sa vie, pour l’accueillir dans son étreinte paternelle. Nous le croyons maintenant serré entre des bras forts qui le « soutiennent » et des bras d’une immense tendresse qui le protègent, dans une étreinte qui est celle de la rencontre la plus vraie.

 P. Piero Trameri scj