HARGILE CASENAVE Junes (Père)

Chers Frères et Sœurs.

Nous avons choisi les textes de la messe de la fête de St Michel Garicoïts ; je pense que le Père Junes aurait été heureux de ce choix. Cette Parole de Dieu souligne la miséricorde et le pardon de Dieu auxquels peut prétendre celui qui passe sur l’autre rive, qui quitte le monde des hommes pour bénéficier du bonheur accordé par le Seigneur dans son Royaume d’amour. Aucun d’entre nous n’est saint ; ce ne sont pas nos mérites qui sont premiers, ce sont toujours la bonté, la tendresse et la générosité de Dieu qui nous font entrer dans sa maison. Le Père Junes en était convaincu comme l’indique cette phrase affichée dans sa chambre : « Jesü Kristo Jauna, Jinko semea, ürrikal zite, nizan beka- toreaz » (Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, prends pitié de moi, qui suis pécheur).

Tout religieux de Bétharram a fait le choix de devenir le reflet de Jésus qui s’est proclamé « doux et humble de cœur ». Nous n’avons aucune prétention d’en avoir le monopole ; tout chrétien est invité à cela, mais à Bétharram, cela devient la grande référence. Et Junes que nous accompagnons aujourd’hui a été un bon disciple de ce cœur de Jésus, à la suite de St Michel Garicoïts. Dans sa vie, il n’a pas fait beaucoup de bruit, du moins à Bétharram ; sa discrétion était connue de tous. Cependant il n’était pas enfermé sur lui-même, par exemple il savait mettre ses dons dans le maniement de l’ordinateur pour afficher en communauté les nouvelles de la congrégation entière.

Dans l’encyclique sur l’environnement « Laudato si », le Pape François indique que le siècle dernier a souvent manqué d’humilité et de sobriété et il nous conseille d’emprunter ce chemin de saine humilité et de sobriété heureuse. Je pense que le Père Junes a fait de grands pas sur ce chemin et nous pouvons recueillir précieusement ce qu’il a vécu.

Une saine humilité. Parfois l’humilité qui serait malsaine pourrait entraîner la passivité, en se dévalorisant et en présentant de nombreuses objections lorsqu’un service est présenté : « je ne suis pas capable ». La saine humilité au contraire c’est d’être conscient que tous les talents et toutes les capacités nous sont donnés par le Seigneur et que nous avons à les faire fructifier au service des autres. Le P. Junes ne manquait pas de talent.

Pendant 32 ans, il a exercé ses talents pédagogiques en sachant allier merveilleusement douceur et fermeté auprès des enfants et des adolescents. A travers les séances de relaxation et de guérisseur, il arrivait à dompter et à maîtriser les plus remuants. D’ailleurs ses dons de relaxation et de guérison ont permis à de nombreuses personnes de retrouver santé, calme, paix et sérénité. Et cela gratuitement, ou avec une modeste contribution !

Pendant 30 ans, il a exercé son sens pastoral en Soule, en redonnant à la langue basque souletine un grand éclat ; il a participé fortement à la reconnaissance de la particularité souletine. Cette science ne l’a pas enfermé dans son bureau ou rivé sur son écran d’ordinateur. Grâce à sa compétence d’écrivain et de traducteur, il a pu entrer en relation avec cette « périphérie » dont on parle aujourd’hui, des personnes ne partageant pas sa foi chrétienne mais trouvant en lui ouverture, tolérance et miséricorde.

Cette saine humilité, il l’avait puisée chez St Michel Garicoïts, lui qui était bien conscient de sa pauvreté mais persuadé que le service de Dieu lui demandait de déployer toute son énergie jusqu’à avoir l’audace d’envoyer, 20 ans après la création de la congrégation, 9 religieux pour accompagner les émigrés basco-béarnais en Amérique du sud. Chacun d’entre nous est invité à ce déploiement de ses facultés sans invoquer ses origines modestes, ses faiblesses ou ses limites.

Saine Humilité, Sobriété heureuse. Religieux de Bétharram, nous sommes appelés à cela par le vœu de pauvreté, une sobriété qui permet le partage et donc de produire du bonheur aux autres. Tous ceux qui ont approché le Père Junes ont admiré la discipline de vie qu’il s’imposait sans être un donneur de leçon, une discipline non pas rigide mais donnant plus de chance à la vie. Une discipline de vie qui lui a permis de garder sa vivacité et son agilité, caractéristiques souletines bien reconnues. Une sobriété dans le manger et boire, dans l’emploi de médicaments ; il a atteint 94 ans sans avoir donné beaucoup de peine à la médecine classique. Une sobriété qui lui a permis de partager intégralement ses produits financiers sans rien garder pour lui ! Là aussi, c’est bien sûr l’exemple de St Michel Garicoïts qui l’a aidé. La sobriété c’est l’une des vertus qui est représentée en fer forgé dans la chapelle St Michel, avec l’horloge indiquant 3H, l’heure de son lever. Même pour l’heure du lever le P. Junes était proche du Fondateur !

Une sobriété heureuse, c’est bien le conseil que nous devons entendre et concrétiser dans notre vie. Ainsi nous serons capables d’intégrer ces dispositions évangéliques que le monde est en droit d’attendre des chrétiens : la compassion, la bienveillance, l’humilité, la douceur et la patience.

« Je suis doux et humble de cœur » proclamait Jésus ; nous avons à devenir chaque jour un peu plus disciple de ce maître, à l’exemple du P. Junes ; c’est la grâce que nous de- mandons dans cette eucharistie. Et que le Père Junes soit comblé par la paix et la douceur du Dieu d’amour et de tendresse, introduit par Saint Michel Garicoïts dans son Royaume éternel.

Laurent Bacho scj