FORLONI Giulio (Père)

De l’homélie du P. Piero Trameri scj
pour les obsèques du P. Giulio

Nous sommes réunis autour de l’autel du Seigneur pour Le célébrer Lui en premier lieu, pour écouter sa Parole d’espérance, pour renouveler notre foi dans son mystère de mort et de résurrection, et pour être réconfortés par Lui à l’heure où nous devons nous séparer d’une personne qui nous est si chère à tous et que fut le P. Giulio... Nous voulons recueillir le témoignage de sa vie et rendre grâces au Seigneur pour les merveilles qu’il a accomplies en lui et par lui.

Dans l’Evangile de Marc il est fait le récit de la journée type de Jésus, qui enseigne avec autorité dans la synagogue de Capharnaüm, guérit un possédé et qui, chez Pierre, guérit la belle-mère de ce dernier ; puis, le soir venu, il guérit à nouveau de nombreux malades et possédés qui se pressent à la porte. Le lendemain matin, il se lève en pleine nuit pour se retirer dans un lieu désert et prier.

J’ai pensé à ce passage pour rappeler la mémoire du P. Giulio, car je crois qu’il a essayé et réussi à imiter la journée de Jésus pendant toute sa vie, avant d’être paralysé par cette mystérieuse et terrible maladie qui éteint la lumière de l’esprit.

Sa sœur me parlait hier soir du P. Giulio comme d’un « prêtre toujours au pas de charge ». Cette image est la définition la plus juste, pour ce que j’ai pu en voir au cours des années vécues avec lui à Albiate. On se demandait comment il arrivait à passer dans une pièce pour assurer l’assistance aux personnes handicapées du Groupe Brianza, puis dans une autre pour venir offrir en toute hâte quelques pistes de réflexion au groupe des fiancés, sans oublier de venir prendre un morceau en communauté, pour aller avaler une autre bouchée en compagnie des membres de sa famille venus lui rendre visite. Comme Jésus à Capharnaüm. Consommé d’amour et de zèle pour les personnes qui étaient dans le besoin et fidèle à la mission qui lui avait été confiée.

Il était aussi capable de se retirer comme Jésus à l’écart, peut-être dans les montagnes qu’il aimait ou dans le silence du matin, pour prier, pour réfléchir et préparer les leçons ou les conférences destinées aux nombreux jeunes qu’il rencontrait dans le monde scolaire et associatif, en particulier de Comunione e Liberazione, et dans les nombreuses paroisses de la Brianza où il a exercé son ministère sacerdotal. Prêt devant chaque appel, capable de reproduire toujours par les faits le « Me voici, envoie-moi », rappelé par Isaïe dans la première lecture et qui est un pilier de la spiritualité bétharramite.

Seul celui qui avait fait sien au plus profond de son cœur l’élan du Verbe Incarné pouvait répéter « Me voici, envoie-moi » quand, en 1991, notre famille religieuse avait décidé de lancer l’expérience d’un foyer pour des malades du sida, seuls et abandonnés de leurs familles, à Monteporzio Catone, sur les collines au sud de Rome.

Je me souviens comme si c’était hier du jour où, lors d’une réunion du Conseil Provincial, alors qu’on cherchait un volontaire pour ce service auprès des derniers, le P.Giulio a dit : « Je suis prêt pour ce nouvel appel ». Membre du Conseil Provincial, il avait ajouté : « Il faut que l’un de nous donne l’exemple. Me voici, j’y vais moi. » Il allait au devant de l’inconnu, armé seulement de son obéissance et de son abandon à la volonté du Seigneur, comme Abraham, et de son amour pour ceux qui avaient le plus besoin. « Dieu a donné sa vie pour nous ; nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères » nous a rappelé saint Jean dans la deuxième lecture. « Nous n’aimons ni par les mots ni par la langue, mais par les actes et en vérité. »

Et le « prêtre toujours au pas de charge » est parti sans retard, avec son sac de pèlerin. Pendant vingt-sept ans, il a fait la navette entre Rome et la Brianza pour rendre visite à ses amis, pour raconter les besoins des malades, pour recueillir des fonds pour l’œuvre, capable de transporter tout le monde par son enthousiasme et l’énergie de celui qui a donné totalement sa vie pour la cause de l’Evangile. Les surveillances de nuit auprès des malades l’attendaient à son retour, puis, pendant la journée, les services les plus humbles, mais encore le service à la paroisse, les groupes de fiancés, l’écoute (avec un grand E) patiente et éclairée de la Parole, pour quiconque en manifestait le besoin.

Notre Fondateur, saint Michel Garicoïts, rêvait d’un groupe de prêtres qui, comme un camp volant de soldats d’élite, seraient prêts à courir partout où cela serait nécessaire. Je crois que le P. Giulio a pleinement réalisé cet idéal.

Ces dernières années, ironie du sort ou mystère insondable, ce prêtre qui s’est dépensé toute sa vie avec une vitalité inimaginable, au service de tant de nécessiteux, fidèle jusqu’au bout au mandat reçu, a dû arrêter sa course, comme un moteur usé dont les tours ralentissent petit à petit. Privé du don de jouir au moins un tant soit peu des fruits de son travail, enfermé dans un silence douloureux, le P. Giulio était capable toutefois de dispenser de temps en temps quelques sourires timides à ceux qui lui rendaient visite.

Le Seigneur de la vie lui a ouvert ses bras avec tendresse et lui a certainement redonné la lumière de l’esprit et du cœur pour goûter aux bienfaits qu’Il prépare dans le monde renouvelé. Nous sommes ici pour l’en remercier et pour le remercier du don précieux qu’il a réservé à chacun de nous à travers la vie, l’exemple, le témoignage et l’amitié du P. Giulio. C’est un don que, j’en suis sûr, nous porterons tous jalousement dans nos cœurs.

P. Piero Trameri scj
Vicaire régional