Nouvelles en Famille - 14 décembre 2010
Sommaire
- Le mot du Père général
- Le Père Etchécopar écrit...
- Merci pour cette année. Merci pour la communauté
- Carnet de route: salut à l'aurore
- 5 minutes avec Brede & Bruce Vaughan
- In memoriam: P. Colin Fortune (1949-2010)
- In memoriam: P. Paul Fourcade (1923-2010)
- Feuilleton: l'aventure de Bétharram en Chine (11)
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Le mot du Père général

À la crèche avec saint Michel Garicoïts
Quand il contemple le Mystère de la Naissance, notre Père saint Michel Garicoïts fixe les yeux sur lEnfant Jésus petit, pauvre, fragile et faible.Pauvre petit enfant! Tendre petit Jésus, vous venez de naître pour moi! (DS 106) Il le contemple dans les limites de sa position, se contentant dune crèche, de langes grossiers (DS 251). Il le regarde au dedans et au dehors.
Extérieurement, cest un Enfant en mouvement : « un époux sortant de la chambre, un champion joyeux de prendre la course » (Ps 18,6). Il saute du sein du Père à celui de Marie, du ciel à la crèche, il fraye son chemin, sélance, court, va droit devant, tremble, pleure et sécrie : Me voici
Son Me voici exprime une radicalité sans condition ; il est prêt à tout faire et à tout supporter avec une générosité immense mais réglée : réglée, car il remplit son devoir dans la position où il est ; immense, car il déploie sa générosité aussi bien à la crèche quailleurs (DS 42).
Le regard contemplatif de saint Michel pénètre au cur de lEnfant-Dieu pour y déceler les sentiments, les attitudes et motivations qui lont amené à cette position. Il endure le froid, lhumiliation, les ennuis et les dégoûts (DS 108) ; on le voit anéanti et dévoué (DS 43), obéissant et content.
Ce regard profond permet à saint Michel Garicoïts de comprendre ce fait si manifeste, si pressant du Verbe fait chair pour nous unir à son Père. (DS 110) Rendre grâce au Père, faire son bon plaisir est le motif de tout ce qu'il fait. (DS 283-284) Lautre motif, cest nous: [il sest livré] par amour pour nous. Pour ramener les hommes au souvenir et à l'amour de leur Créateur, Notre-Seigneur Jésus Christ leur montre la divinité rendue visible et palpable dans son humanité. Le voilà dans la Crèche et sous les voiles eucharistiques. (DS 109)
Saint Michel Garicoïts contemple aussi Marie et Joseph. De lextérieur, il les voit pauvres, simples et dignes. De lintérieur, ils répondent à lamour de Dieu avec modestie, humilité et reconnaissance (DS 107). Saint Michel découvre la communion liant lEcce venio de Jésus et lEcce ancilla de Marie, sa Mère. Cest la même humilité, la même charité, la même obéissance sans bornes. Cest le même sentiment, le même bonheur dans le même dévouement, dans la même vocation à la même communauté. (DS 42)
Le démon soffusque devant lEnfant Jésus de la crèche, anéanti et obéissant. Moi, un ange si puissant, etc., obéir au fils dun charpentier, ladorer dans une crèche! Je ne veux pas servir! (Jér 2,20) Jentends lordre: Que tous les anges de Dieu ladorent (Hé 1,6; Ps 98,5). Adorer cette humanité, reconnaître ce supérieur! Je ne veux pas servir, je nobéirai pas! (DS 212)
Les bergers ne sont pas scandalisés à la vue dun tout-petit enfant dans la dernière misère
Comment sétonner, se scandaliser en présence des humiliations et des souffrances de son Maître? Au contraire, les pasteurs accourent et adorent, stimulés par la leçon du Verbe fait chair, car Notre-Seigneur est venu du ciel pour nous apprendre à plaire à son Père, à accomplir ses volontés, à estimer les humiliations et les souffrances comme le monde estime les honneurs, à rechercher la croix avec plus d'empressement que les hommes du siècle la gloire d'ici-bas. (DS 109-110) Et cest possible parce que, comme Marie et Joseph, les bergers reçoivent dans leur cur Jésus-Christ et sa vie divine, parce que, dans leur cur, ils méditent, ils repassent, ils ruminent et goûtent la parole sainte. (DS. 111)
Personne ne parle, tous sémerveillent, contemplent, et, fascinés, adorent le mystère de lAmour de Dieu fait homme. Il ny a quune Parole, celle du Père qui se donne en son Fils bien-aimé, ce petit Enfant vulnérable en qui Il nous a tout dit, selon le mot de saint Jean de la Croix. "Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le !" (Mc 9,7) Cette Parole se reçoit en silence. Et lange missionnaire rompt ce silence pour annoncer aux bergers une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : le nouveau-né qui vient de naître, emmailloté et couché dans une mangeoire, il est votre Sauveur, le Messie, le Seigneur. (Lc 2,10-12) Et toute la troupe céleste à sa suite, au cur de la nuit, transforme ladoration silencieuse en chant de louange : Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu'il aime. (Lc 2,14) Ce silence contemplatif est aussi rompu par le chahut des bergers arrivant à la crèche. Ils sy rendent en hâte, commentant ce qui leur avait été annoncé au sujet de cet enfant. (Lc 2,17) Une autre rumeur séloigne, celle des mêmes bergers : tout à leur joie, ils sen retournent, en rendant gloire à Dieu et en racontant tout ce quils ont vu, entendu, goûté, touché et senti (Lc 2,20).
Saint Michel Garicoïts contemple aussi larrivée des Mages, tels des chercheurs à tâtons du visage de Dieu : ils nen savent rien, mais ils vont: "Nous avons vu l'étoile"... Il ne faut pas abandonner ces indications même vagues de la Providence; il faut les suivre avec zèle et persévérance, les suivre jusqu'à ce que l'étoile s'arrête: "Nous avons trouvé Jésus-Christ" (Jn 1,41); et lui, c'est le roc: qui demeure en lui reste debout. (DS 184)
Arrivés au terme de notre contemplation avec notre Père saint Michel Garicoïts, nous méditons et nous en tirons profit pour nos vies, et pour la vie de la Congrégation, à cinq mois du Chapitre général à Bethléem :
1. Quelle école! quel maître! quelle force et quelle douceur dans ces enseignements de la crèche
Quels attraits infinis pour gagner les plus grands pécheurs! (DS 109)
2. Quoi de plus propre à nous enflammer d'amour pour lui et à nous rendre généreux? "Je peux tout en celui qui me rend fort" (Phi 4,13). (108)
3. Soyons fiers dêtre disciples de cet Enfant, aimons en vérité, croyons, goûtons les choses de Dieu, courrons, volons sur les pas de Notre Seigneur Jésus Christ. (DS 111)
4. La Providence ne procède pas par de magnifiques avances et de superbes proclamations; elle ne fait pas du charlatanisme. Mais elle commence par un petit berceau et un petit Enfant. Un petit chemin étroit et encore sans issue, de petits riens, qui semblent ne devoir aboutir à rien. Ensuite, tout cela marche et marche encore, lentement, silencieusement, pendant trente ans, à Nazareth. Et puis, le grain de sénevé devient un grand arbre qui étend ses rameaux par toute la terre. (DS 183-184)
Enfin, terminer par un colloque, en pensant à ce que je dois dire aux trois Personnes divines, au Verbe éternel incarné, à la Mère du Verbe et Notre-Dame (ou à saint Joseph, un berger ou un mage); et, selon le sentiment que j'éprouverai en moi-même, pour suivre et imiter de plus près Notre Seigneur, comme s'il venait de s'incarner pour moi, réciter le Notre Père. (Exercices Spirituels, 109).
Gaspar Fernandez,SCJ
Le Père Auguste Etchécopar écrit...
dans son Cahier intime, Noël 1852
Détachons-nous des choses de la terre, pour ne pas tomber dans la faute commise par les habitants de Bethléem. Ah! si St Joseph et la Très Sainte Vierge avaient eu une meilleure apparence, si on avait pu espérer deux de lor, on ne leur aurait pas refusé si durement lhospitalité. Mais lamour des choses de la terre ferme les curs (
). Il ny avait pas de place pour eux (Lc 2,7)...
Cest ainsi que Jésus-Christ naquit dans une pauvre étable (
) nayant pour toute compagnie que de pauvres pasteurs. Dès sa naissance, le divin Enfant est: 1° notre Sauveur. Il répand des larmes, il frisonne, et chacune de ses larmes, chacun de ces petits soupirs était plus que suffisant pour racheter mille mondes. 2° Mais surtout notre Maître. Le voilà devenu dès le premier instant de sa vie notre grand modèle (
). Dès le début, ce maître adorable pratique les vertus qui résument toute la perfection. Lhumilité, la pauvreté et la mortification résultant lune de lautre.
Jésus, notre vie, mon tout, détachez-moi des choses de cette terre. Votre crèche, votre anéantissement, votre pauvreté, voilà ce que jadmire en vous, ce que je voudrais aimer de tout mon cur. Que je me prosterne donc à vos pieds pour vous adorer! Je vais me rapetisser pour unir mes membres aux vôtres, ô divin enfant pour que Vous me sanctifiiez et me transformiez en vous.
Merci pour cette année. Merci pour la communauté
Vivre, cest te chercher, Seigneur. Vivre cest lutter, Laisser ton Esprit Saint En regardant ce que je vis, Ils Le reconnurent à la fraction du Pain. (Lc 24,31) Quils saiment les uns les autres. (Jn 13,34) | En bon vigneron, Allez, baptisez, enseignez
(Mt 28,19) Ainsi, comme la première communauté chrétienne, Merci, Seigneur, |
Giancarlo Monzani,SCJ
Salut à l'aurore
Cela faisait une semaine que je parcourais avec Jean, un ami prêtre originaire de là-bas, ce pays magnifique et attachant. Nous nous étions levés aux aurores pour célébrer la Messe au couvent voisin. 4h25: quelques rares loupiottes éclairent lentrée de la chapelle. Poussée la porte, un flot de lumière inonde le visiteur. Pas moins de 250 voiles hissés dans le silence et la prière, 250 religieuses Amantes de la Croix. À pas feutrés nous rejoignons la sacristie. Quelques minutes plus tard, quand nous prenons position à lautel, la musique sélève, limpide et prenante ; le jour nest pas encore levé mais le soleil sébroue dans les curs ; pas de doute, le Bien-Aimé séveille.
Après le petit-déjeuner, nous faisons le tour de la maison : juvénat (70 filles en formation), cuisines, ateliers dherboristerie, dispensaire
partout la même vivacité au travail, partout la même dignité dans le sourire. Lenseignement catholique na pas droit de cité, mais qui na pas lâge scolaire nintéresse pas le gouvernement. Les Surs ont donc ouvert un jardin denfants. Entre deux classes, la Mère générale, fait risette à une fillette au teint de rose. Elle sappelle Thérèse, me confie-t-elle. On labandonnée et déposée devant chez nous: notre premier enfant trouvé! Depuis, la petite Thérèse a 250 Surs pour maman
La route se fait cahoteuse et les paysages de plus en plus fascinants : après la ville et son agitation, des rizières à perte de vue, des montagnes en pain de sucre échappées à de vieilles estampes, des cyclistes à chapeau pointu qui se garent sur le bas côté, en riant, à lapproche du 4x4. Notre course sachève dans une cour déglise. Les prêtres du voisinage nous attendent. Moyenne dâge : 35 ans. Le benedicite est chanté au micro, pour une douzaine de convives. Chacun pioche dans les plats. Mes baguettes semmêlent. Cest alors que mon vis-à-vis me présente Joseph Thuan.
Je ne lavais pas remarqué jusque là, bien quil se levât à tout moment pour le service. Jean mavait bien touché un mot dun gars de 22 ans attiré par la vie consacrée, mais cela me semblait irréel: après 2 ans en paroisse pour éprouver lappel du Seigneur, ne pas rejoindre les nombreux candidats au séminaire, être animé par un idéal sans avoir jamais approché de communauté, et demander à son curé de lorienter vers des religieux!... Bien ennuyé, celui-ci se retourna vers Jean, en vacances au pays, qui lui annonça ma venue. Et nous voici réunis, à lheure de lAngélus.
Laprès-midi, Joseph, Jean et moi prenons un moment ensemble. Le premier réitère son désir et de sa disponibilité avec une calme assurance. À la question qui me brûle les lèvres : Pourquoi postuler pour une petite Congrégation, inconnue, inexistante ici ?, il répond : Ma seule raison objective, cest que vous êtes là
Jean traduit, et sarrête. Comme il ny a effectivement rien à ajouter, je laisse à Joseph tout ce que javais en fait de "documentation bétharramite" : deux images tirées de mon bréviaire, lune de saint Michel avec la prière du me voici, lautre de Notre-Dame de Bétharram, protectrice des jeunes. Et je promets de transmettre au Supérieur général sa demande écrite dentreprendre avec nous un chemin de vocation.
Je reprends la route, songeur, et heureux de cette rencontre inattendue. Quelle belle leçon de foi, à limage des chrétiens de ce pays : libres malgré les obstacles extérieurs, libres et audacieux parce quhumbles et confiants, non pas en eux, mais en Dieu seul ! Jen ai un témoignage vivant un peu plus tard à la paroisse du Perpétuel Secours. Venus saluer le curé qui est aussi vicaire général, nous sommes reçus par un homme usé dans les geôles communistes, mais dune impressionnante vigueur intellectuelle et morale. Au détour de la conversation sur la pastorale, les gens du quartier, etc. le P. Pierre sautorise la seule allusion personnelle : « À ma libération, je suis sorti dune petite prison pour une prison plus grande encore. » Cette prison, cest son pays sous lemprise du Parti. Cest la « société du mensonge », comme il la définit, passée en quelques années du matérialisme idéologique au matérialisme économique, du totalitarisme marxiste à la dictature du marché. Et lÉglise résiste, encore et toujours, au nom des droits de Dieu et des droits de lhomme, inséparablement. Petite halte, avant de partir, devant les statues de la Sainte Vierge et du Sacré Cur : vite, leur confier cette Église et ce peuple ! Ils ont tant souffert. Ils ont tant à nous apprendre
Le soir venu, me voilà à Eoson, village natal de Jean. Jy retrouve avec émotion ses parents, et fais connaissance du reste de la famille. Comment ne pas se sentir honoré dentrer dans leur intimité ?... De la maison à léglise, il ny a pas loin. La journée sachèvera comme elle a commencé: par lEucharistie. En un clin dil, un curé juvénile passe dun polo bariolé à une soutane de circonstance. Les enfants de chur ont la concentration et la jubilation à servir quon leur connaît partout. Léglise est pleine, même en semaine, même dans un hameau où les chrétiens sont minoritaires. La Messe est dite pour le grand-père de Jean, agriculteur et catéchiste, mort en déportation dans les années 80. À la sortie, tout le monde se retrouve devant la grotte de Lourdes : action de grâce sous les étoiles...
Tiens, je sens dans ma poche une feuille de papier pliée en quatre à lintention du P. Gaspar : la lettre de Joseph Thuan. Non, je nai pas un rêvé. Toutes ces rencontres ont été vécues la même journée, une journée dense et belle comme une naissance. Il faisait nuit, mais nous avons fêté laurore du salut. Nous étions le 8 septembre, anniversaire de la Vierge. Ça se passait au Vietnam : la terre - Viet - du sud - Nam (par rapport à la Chine), une terre avec une toute petite et toute nouvelle semence pour Bétharram
si Dieu veut !
Jean-Luc Morin,SCJ

POST SCRIPTUM
1. Au Vietnam il y a 26 diocèses, 3.000 prêtres, 12.000 religieuses et 6,5 millions de catholiques pour 83 millions dhabitants.
2. Le prénom Thuan veut dire: « volonté de Dieu ».
3. Le 2 octobre 2010, le Conseil général a admis Joseph Vu van Thuan à poursuivre son discernement en vue de la vie religieuse à Bétharram. Le 12 novembre, Mgr Nguyen chi Linh, évêque de Thanh Hoa, se réjouissait de cette démarche, et formait le vu que notre charisme attire dautres jeunes Vietnamiens.
5 minutes avec... Brede & Bruce Vaughan

Chaque année, un couple de Birmingham (Grande Bretagne) consacre une partie de sa retraite à notre communauté de Thaïlande. Pendant trois mois, non seulement ils apprennent bénévolement langlais aux postulants, mais ils partagent leur vie à Chiang Maï, où se déroule la session, et ailleurs. Rencontre avec des laïcs, partenaires de la formation bétharramite : Brede et Bruce Vaughan.
lNef : Pouvez-vous nous dire qui vous êtes et ce qui vous a amenés à Ban Bétharram Chiang Maï?
- Nous sommes tous deux danciens enseignants et animateurs de mouvements de jeunes à Birmingham, en Angleterre, avec trois grands fils et un petit-fils. En 2006, un Père de Bétharram, le P. Dominic Innamorati, recherchait des professeurs danglais bénévoles pour les étudiants thaïlandais de la Congrégation, et nous avons répondu "présents" : cétait un défi personnel, un changement de vie. Au bout de cinq séjours à Chiang Maï, on sy sent comme à la maison. Dans ma vie professionnelle, jai enseigné la littérature anglaise, mais jai suivi une formation spéciale danglais pour étrangers, qui ma grandement servi !

Concrètement, comment ça se passe ?
- Chaque année, nous donnons des cours à une classe de 10 postulants : des jeunes de 18 à 23 ans qui viennent de terminer le secondaire et font une expérience pastorale avant de choisir sils continuent ou non au grand-séminaire. Nous enseignons matin et soir en semaine, en privilégiant lexpression orale. Nos élèves ont déjà appris langlais au collège, avec un petit bagage en vocabulaire et grammaire, mais ils nont pas loccasion de le pratiquer. Dès le premier instant du premiers cours, on leur demande de se lever de leur siège et de se parler les uns aux autres : un véritable choc après un apprentissage plutôt théorique. Au début, ils sont timides et hésitants, mais ils prennent vite confiance, ils samusent et rient de leurs propres erreurs, dont ils se corrigent mutuellement.

Chaque leçon commence par une prière et un chant en anglais. Nous habitons au-dessus de la salle de classe, et les jeunes à létage supérieur, de sorte quon a tout le temps loccasion de se croiser et de parler en dehors des heures de cours. Chaque vendredi après-midi est consacré à la visite dun point dintérêt touristique de Chiang Maï et environs: parc d'éléphants, fabrique de parapluie, palais sur la montagne, etc. De telles sorties sont loccasion de partager en anglais. Parfois, avec les jeunes, on part en fin de semaine dans un des villages karens dont ils sont originaires ; on y est toujours très bien accueillis. Cette proximité vécue à travers les études, la vie quotidienne, la Messe, la prière et la détente ensemble, créent entre nous une véritable amitié. Lenthousiasme, le sourire perpétuel et lhumilité qui caractérisent ces jeunes sont admirables et pas si fréquents chez nous en Angleterre !
Plus largement quel regard portez-vous sur lÉglise et sur Bétharram en Thaïlande ?
- Dans le diocèse de Chiang Maï, la plupart des prêtres desservent beaucoup de villages, jusquà 70 par paroisse ; aussi ils doivent faire beaucoup de route pour faire la tournée des messes, tout en sappuyant sur les catéchistes locaux pour assurer une présence dÉglise le restant du mois. Il faut voir la dévotion du peuple karen : elle est magnifique et touchante de simplicité pour des Occidentaux "sophistiqués" comme nous. Comme la quasi-totalité des villages nest pas assez riche pour faire face aux besoins, ils reçoivent de laide des catholiques plus aisés, à Bangkok ou à létranger. Pour ce qui est de Bétharram, quand nous sommes arrivés en Thaïlande en 2006, il y avait neuf prêtres européens, tous autour de la retraite. Actuellement, ils ne sont plus que cinq. Le travail pastoral retombe donc sur les plus jeunes religieux, soit 15 prêtres, en majorité Karens (comme les postulants) uvrant principalement en milieu karen ou akha.

Quand vous rentrez en Angleterre, que retirez-vous de cette expérience ?
- Dabord, on espère toujours que nos élèves ont apprécié les cours et progressé en anglais. On revient marqué par leur générosité et leur bonne humeur : ils ont peu de choses et pratiquement pas dargent et nous, comparativement, nous sommes très riches ; pourtant, ils sont heureux, davantage que nous, même. En débarquant en Angleterre, le froid de lhiver et les excès commerciaux de Noël sont à mille lieues de ces trois mois de chaleur et de simplicité thaïlandaises. Nous voudrions en ramener une bonne dose à la maison, et la diffuser autour de nous.
Avez-vous gardé des liens avec vos anciens élèves?
- Nous en revoyons certains à la maison de formation de Sampran ; ceux qui ont quitté la Congrégation, nous les rencontrons à Chiang Maï, quand ils viennent à la Messe ou passent nous saluer. Quelle joie de les retrouver, de constater quils ont gardé un bon niveau danglais et quils ont fait leur chemin (au séminaire ou à la fac, comme catéchistes, cultivateurs ou guides touristiques) !
Pour finir, quest-ce qui vous tient à cur et que vous voudriez exprimer, à vos élèves et aux autres ?
- La foi et la famille sont les deux choses qui comptent le plus dans notre vie. Nous espérons avoir partagé un peu de ces trésors avec nos étudiants, et eux avec nous, pendant nos séjours en Thaïlande. Et toujours, nous avons le sentiment davoir reçu deux davantage que nous leur avons donné... Désolé, nous allons arrêter : un ancien élève vient darriver avec deux noix de cocos fraîches à déguster !
In memoriam | Angleterre: P. COLIN FORTUNE,SCJ
Solihull, 3 novembre 1949 | Birmingham, 1er décembre 2010
Le premier de ce mois, le P. Colin Fortune,SCJ est retourné à la Maison du Père, alors quil assistait à un concert. Ses obsèques seront célébrées demain 15 décembre dans la paroisse de Birmingham dont il était curé, en léglise du Saint-Nom de Jésus. Puis son corps reposera au cimetière de Droitwich, dans le carré bétharramite.
Après dix ans de déclin, la fin des années soixante-dix en Angleterre a connu un regain inattendu de vocations religieuses. Inspirés par le cardinal Hume et le P. Michael Hollings à Westminster, et stimulés par lélection de Jean-Paul II, de nombreux jeunes hommes ont répondu à lappel au sacerdoce et à la vie consacrée. Cest ainsi quen 1979, deux enseignants sont entrés au noviciat bétharramite, Colin Fortune et Terry Langman. Leur maître des novices, le P. Frank Dutton, les accompagna au 38 Hill Avenue, à Worcester, une annexe de la Maison Garicoïts alors trop petite pour accueillir le nombre croissant des étudiants.
Au bout dun an, toute la communauté se déplaça au Prieuré dOlton, paroisse dorigine de Colin. Cest là quil naquit le 3 novembre 1949, au foyer dOlive et Cecil Fortune, humbles commerçants boulangers. Comme ses deux aînés, Alan et Ron, Colin était doté dune vive intelligence : après des études secondaires à Solihull, il obtint une licence danglais à Lampeter, modeste faculté de lUniversité du Pays de Galles, choix inattendu pour quelquun qui avait daussi vastes connaissances en littérature, art et musique. Mais Colin na jamais oublié sa période galloise, dont il gardait plusieurs bons amis.
Ses amitiés de jeunesse faisaient partie intégrante de sa vie, aussi bien quand il était professeur dans les établissements catholiques de Birmingham, comme larchevêque Masterson, que lorsquil enseignait en tant que prêtre au collège du Sacré Cur de Droitwich. Jusquà ces derniers temps, il les retrouvait régulièrement pour partager leurs passions communes : la musique, les arts, y compris celui de la conversation, la bonne chère et les vins fins.
Colin était un mélange dancien et de moderne : ses goûts culinaires et vestimentaires lapparentaient souvent à un gentleman de lère victorienne ; en même temps, il était toujours au fait des derniers développements en matière politique, économique, pédagogique et spirituelle. Dans les années 70, le renouveau charismatique catholique lavait fortement influencé ; plus tard, quand il avait cessé toute participation active aux groupes de prière, il sest toujours montré reconnaissant de ce quil y avait reçu : le sentiment profond davoir été touché par Dieu à travers lamour de Jésus. Cest cette expérience qui la orienté vers la Congrégation de Bétharram. Son frère Alan avait été missionnaire jésuite au Guyana pendant 10 ans, mais Colin préféra aux mâles exigences de saint Ignace la douce spiritualité de saint Michel.
Au Séminaire de Birmigham (Oscott College), après le flottement des débuts, Colin, qui était conscient dêtre plus âgé que ses camarades et préoccupé de voir le temps lui filer entre les doigts, fut placé sur une voie prioritaire, et ordonné à Olton à la fin juin 1986. Il passa les cinq années suivantes au Collège du Sacré Cur, comme professeur danglais et déducation religieuse, et participa à ce titre au lancement de la nouvelle formule du GSCE (baccalauréat). Tout en travaillant à la paroisse, il était aumônier des pensionnaires.
Il quitta Droitwich en 1991 pour la paroisse Saint-Joseph de Leigh en 1991 ; pendant quatre ans, en parallèle, il assura la charge pastorale de St.Marys Astley, le premier ensemble scolaire du diocèse de Liverpool. Cest là quil développa un ministère particulier auprès des personnes en difficulté. Des gens de tous âges, perturbés par des esprits mauvais, blessés dans leurs relations ou dans leurs orientations personnelles, venaient frapper à sa porte. Pour beaucoup dentre eux, qui se sentaient en marge de lÉglise ou abandonnés par Dieu, il était le témoin de lamour inconditionnel du Cur de Jésus envers chacun : un ministère tout à fait bétharramite.
Ces quinze dernières années, Colin a été curé du Saint-Nom de Jésus, une grosse paroisse des quartiers nord de Birmingham. Mais une bonne part de son énergie allait au conseil dadministration du Collège Stuart Bathurst, dont il était président ; aussi bien le personnel que les élèves lui étaient reconnaissants des efforts quil y déployait. À ce poste difficile, son expérience passée dans lenseignement lui a été dun grand profit.
Pendant toutes ces années, Colin avait une présence hors norme, tant en raison de son immense convivialité, de son érudition et de sa voix tonitruante, que de ses mensurations. À vingt ans déjà, son obésité inquiétait ses amis et, dans le cours des années, nombreux sont ceux qui ont cherché à le persuader, ou qui lont encouragé à perdre du poids. Chacune des communautés où il est passé a fait des tentatives en ce sens, et en vain. Par rapport à son surpoids, Colin faisait souvent le blasé, mais ses confrères savaient que cétait par bravade, et que les risques encourus le préoccupaient. Lorsque lattaque cardiaque lui a été fatale, le 1er décembre dernier, au Birmingham Symphony Hall, il avait atteint 191 kg. Ecce sacerdos magnus.
Sans illusion sur la multiplication des problèmes de santé, et sur le fait que son père et ses frères étaient tous décédés à 62 ans, Colin a accepté le boulot de Supérieur de Vicariat à 59 ans. En deux ans tout juste, il sest ouvert à la dimension internationale de la Congrégation, il a guidé le fragile Vicariat dAngleterre et donné dans ces nouvelles fonctions le meilleur de lui-même. Sa mort brutale, pendant que lorchestre de chambre de Birmingham jouait le concerto pour violoncelle dElgar, a terriblement choqué son entourage et ses amis de la famille de Bétharram ; mais cest ainsi quil aurait voulu mourir.
Il est maintenant auprès du Seigneur, en un lieu de bonheur doù ont été chassés tout souci et toute maladie. Comme il doit se régaler du banquet messianique, de la compagnie des saints et de la musique des sphères ! Son décès laisse un grand vide sur la terre, et il manquera, non seulement à ses frères et à sa belle-mère Esther, mais à tous ceux à qui il a témoigné lamour du Cur de Jésus.
Austin Hughes,SCJ
A lissue de la session des conseils régionaux, le P. Colin offrait aux "Nouvelles en famille" sa réflexion sur la compassion et le Sacré Cur. À la veille de Noël 2010, ses propos prennent un relief particulier:À propos de compassion et de Sacré Cur
In memoriam | France: P. PAUL FOURCADE,SCJ
Lons, 14 décembre1923 | Bétharram, 3 décembre 2010
Le Père Paul Fourcade est né le 14 décembre 1923 à Lons. Il fait partie dune famille de cinq enfants. Il navait que douze ans lorsque son père meurt le 7 juillet 1935. La famille est en deuil dun père très aimé. Cest vêtue de noir que la mère admirable continuera délever les enfants (quatre garçons et une fille Yvonne).
[Son troisième, Paul, se destine très jeune à la vie religieuse. Après lapostolicat à Bétharram, il na pas 17 ans quand il commence son noviciat à Balarin, dans le Gers ; il y prononce ses premiers vux le 15 août 1941. Puis ce sont les études ecclésiastiques à Nazareth et Bethléem, et enfin le sacerdoce, quil reçoit à Bordeaux le 29 juin 1949.]
Les éloges mérités ne manquent pas au Père Fourcade, mais je voudrais, pour ma part, insister sur son rôle de professeur et déducateur. Nommé au collège de Bétharram dès 1953, soit comme professeur de français et de latin, soit comme surveillant de dortoir (car, à cette époque, les Pères fort nombreux faisaient tout), soit comme éducateur dans les modèles réduits davions ou de bateaux. Des mérites, du respect, de linfluence de son action et de son uvre dans ces diverses fonctions, les témoignages de tous ceux qui en bénéficièrent ou purent les apprécier directement se rejoignent dans une gratitude unanime.
Aussi bien le Père Fourcade sest-il livré, sans le vouloir (lui si pudique) et au meilleur de lui-même dans sa mission de professeur et déducateur. Celle-ci était à base damour et par conséquent de charité - une charité accompagnée de cette fermeté, de cette énergie particulièrement indispensable pour guider des élèves de 4e et de 3e. Pour beaucoup, ce Religieux de Bétharram aura su être vraiment le roc solide, le père fort que, peut-être, aux plus déshérités dentre eux, la nature avait refusé.
Ce prêtre, ce religieux était attachant ; mieux, il était attirant pour beaucoup. Que de pendules réparées par ses mains dadroit bricoleur, que de meubles restitués dans leur jeunesse originelle ! Sil composait mal avec ladversaire et la mauvaise foi, en revanche, il avait le don de la sincérité parfois brutale. Il avait aussi, et à la fois, la générosité du cur et le don de lesprit. Son émotion se drapait, parfois, dans un masque de médaille romaine. Homme de devoir, homme de prière, il ne concevait pas que son service fût mesuré, ses visites de contrôleur des eaux du collège et du lycée de Bétharram comptées. Absolu dans son travail, il létait aussi en sympathie car il lui fallait les coudées franches pour donner sa vraie mesure damitié et de fraternité. Merci Père Fourcade.
Henri Marsaa-Poey,SCJ
Homélie de la Messe d'obsèques
HOMMAGES AU PÈRE PAUL FOURCADE | BÉTHARRAM, 06/12/2010
Le Père Fourcade a consacré toute sa vie à Jésus à travers la mission de prêtre enseignant quil a exercé sa vie durant au collège et au lycée Notre Dame de Bétharram. Il habitait là et il était ici « chez lui ».
Mémoire de lécole, à 86 ans, il était toujours au service de létablissement.
Jusquà la semaine dernière, comme tous les jours, il nous amenait le courrier quil allait récupérer au préalable à la poste.
Discrètement mais toujours avec fierté et efficacité, il suffisait de lappeler pour un service et il était là.
Le père Fourcade, cétait « la vie » : La vie à travers leau, à travers les sources, quil connaissait sur le bout des doigts. Il en portait le souci, la responsabilité.
Cétait encore lenvie de transmettre. Aider un élève en français ou en latin, il était toujours prêt !
Il connaissait également tout de Bétharram, de son Histoire. Il archivait tous les documents depuis des années. Il suffisait de lui demander un renseignement au sujet dun ancien élève et il retrouvait tout !
Toujours bienveillant, cest avec une grande humilité, quil sassurait que tout aille bien pendant les week-end ou les vacances.
Père Fourcade, Au nom de lensemble de la communauté éducative du collège et du lycée Notre Dame de Bétharram, nous vous rendons hommage. Nous sommes tristes de vous voir partir, mais nous savons aussi que de lautre côté du rivage, il y a des gens qui vous attendent et qui ont besoin de vous !
Merci, merci pour tout.
M. Éric Didio
directeur du collège-lycée Notre Dame de Bétharram
Père,
Il y a quelques jours à peine nous vous croisions journellement et avions le plaisir déchanger quelques mots avec vous. Aussi, il nous est aujourdhui difficile denvisager de ne plus entendre vrombir votre voiture et de ne plus vous rencontrer dans lentrée dans les bureaux, les bras chargés du courrier de la maison, qui fut si longtemps la vôtre, et à laquelle vous étiez si attaché.
Jusquau jour de votre décès, vous vous êtes employé à rendre service, à apporter votre aide à Bétharram, dabord en faisant bénéficier élèves et professeurs de votre connaissance de la langue latine, ensuite en devenant tour à tour, menuisier, horloger de talent dans votre atelier du bord du gave.
Qui, parmi les anciens, ne se souvient de votre brocante qui avait toujours du succés lors de la fête du collège ?
Vous, si discret, vous récrieriez probablement à entendre ces paroles ; cependant, laissez-moi ajouter que vous étiez là, aussi, dans les moments difficiles de lexistence.
Vous acheviez souvent nos conversations par un sourire et un courtois « soyez heureuse » à mon tour de vous dire aujourdhui « Soyez heureux Père aux côtés, de celui que vous avez aimé et servi tout au long de votre vie.
Mme Caubet
professeur de français à Bétharram
![]() | 11. LE COMMUNISME ET LA MISSION DE TALI (décembre 1950-décembre 1951)par |
Malgré la pression éhontée de la police, il ne semble pas que le mouvement progressiste ait encore abouti à Tali. Après la constitution du comité réformiste, Monseigneur continue comme devant à demander les permissions à la police, le Père curé à proposer le canevas de ses sermons à la Censure gouvernementale : « Le pouvoir spirituel ne nous regarde pas », ont répondu à Monseigneur les chefs du comité réformiste. Mais, dans les premiers jours de janvier, lun des chefs réformistes sinstallait avec sa famille au couvent des Surs, sur lordre de la police : cest le superintendant de la mission. Monseigneur comme les autres Pères doit, ainsi que les chrétiens, passer par lui, ainsi que toute correspondance.
Situation actuelle de la Mission
Il ne reste plus au diocèse de Tali que Mgr Lacoste, les Pères Toucoulet et Spini à Tali, continuant vaille que vaille dexercer lessentiel du ministère ; le Père Barcelonne à Tchou Khoula et le Père Londaitzbéhère à Hia Khouan : tout ministère leur est interdit auprès des chrétiens ; deux Pères chinois, les PèresLiou et Fou, terrés dans leur district de Kouti et de Pe pei lou, et aimant mieux mourir que demboîter le pas aux réformistes ; la sur Albine St-Michel, la seule des onze Filles de la Croix qui reste encore en Chine, retenue à Hian Kouan par la police, pour y avoir fait trop de bien sans doute.
Partis les Pères de la frontière birmane, ainsi que les quatre Pères du Yunnan-Sud, qui nous ont rejoints à Kunming le 8 janvier en excellente santé et en costume de broussard ! Ils nous suivent vers la France à deux semaines dintervalle.
Ainsi donc cette mission de quelque douze mille chrétiens, dont les trois quarts sont des néophytes répartis sur un territoire grand comme la moitié de la France, et parlant quatre ou cinq langues, restera après le départ définitif de tous les Bétharramites, entre les mains de deux Pères chinois, aidés de sept à huit religieuses indigènes ! Au point de vue humain, cest dans notre Mission comme dans toute la Chine une catastrophe. Les chrétiens tiendront-ils ?
Chers confrères et amis, je vous fais la prière que madressait ce jeune chrétien de Tali en membrassant lors de mon départ en avion ; « Père, Père, priez pour nous, car la lutte est terrible et nous ne savons pas si nous serons assez forts pour résister à la tempête. »
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