Nouvelles en famille - 14 avril 2009
Sommaire
- Le mot du Père Général
- Le Père Etchécopar écrit...
- Un portrait pour un projet (1): Dabakala
- 5mn avec le Fr. Angelo Sala
- 1959-2009: Bétharram en Côte d'Ivoire (4)
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Le mot du Père Général
Obéissant jusqu'à la mort de la Croix
Lexpérience de Pâques consiste en la rencontre des disciples avec Jésus Ressuscité. Ce fut lexpérience de Marie Madeleine, des autres femmes, de Pierre, Jean, Cléophas et lautre disciple dEmmaüs, Thomas, les autres apôtres, ensuite il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois
(1 Cor 15,6) Cest lexpérience de Paul sur le chemin de Damas. « Toutes les analyses psychologiques ne peuvent pas éclairer et résoudre le problème. Seul l'événement, la rencontre forte avec le Christ, est la clé pour comprendre ce qui était arrivé; mort et résurrection, renouveau de la part de Celui qui s'était montré et avait parlé avec lui... Cette rencontre est un réel renouveau qui a changé tous ses paramètres. Maintenant il peut dire que ce qui auparavant était pour lui essentiel et fondamental, est devenu pour lui "balayures"; ce n'est plus un "gain", mais une perte, parce que désormais seul compte la vie dans le Christ. » (Benoît XVI, audience du mercredi 3 septembre 2008).
Des rencontres de ce type se sont produites tout au long de lhistoire et se produisent de nos jours, parmi nous aussi. Beaucoup dentre nous pourraient raconter leur expérience du Ressuscité. Sa rencontre nous donne la ferme certitude que Jésus est vivant. Pas seulement dans les Evangiles, mais dans notre propre vie. Pour moi, aujourdhui, Jésus est Dieu-avec-nous ressuscité.
Par cette expérience nous arrivons à comprendre le vrai sens de la mort de Jésus, de sa personne et de sa mission. Sans la rencontre du Ressuscité, la mort de Jésus aurait été un échec. Et nous qui espérions
avec tout cela, voici déjà le troisième jour depuis que c'est arrivé
mais lui, ils ne l'ont pas vu. (Lc 24, 21-24). Avec la rencontre du Ressuscité nous comprenons que la mort de Jésus a été un succès, une Bonne Nouvelle, pour le Père de Jésus et pour tous les hommes. Le Ressuscité cest le Crucifié. Voyez mes mains
mon côté.
Dans sa mort, Jésus nous a donné toute sa vie. Ceci est mon corps, donné pour vous
Ceci est mon sang répandu pour vous. (Lc 22,19-20) Par là, il manifeste dans sa chair quil ny a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis (Jn 15,13). Et ce quil avait annoncé se réalise : Le Père m'aime parce que je donne ma vie pour la reprendre ensuite. Personne n'a pu me l'enlever : je la donne de moi-même. (Jn 20,17-18)
Dans ce don extrême que Jésus fait de sa mort, lamour se manifeste comme la valeur suprême de la vie de Dieu et des hommes. Qui vit en aimant possède une force contre laquelle le péché et la mort ne peuvent rien. Seul lamour est capable de vaincre la mort, car il est plus fort quelle.
Jésus vit sa mort comme le sommet de sa relation de Verbe incarné avec lamour du Père : à lheure de mourir en croix, il se sent terriblement seul. Mais par-delà le sentiment dabandon du Père, il sabandonne à Lui. Il est sûr de lamour de Celui qui ne saurait manquer à ses promesses. Contre toutes les apparences, il est certain de lamour du Père !
Jésus vit sa mort comme lanéantissement total de sa personne pour faire ressortir celle du Père, uniquement. Il accepte léchec de ses projets personnels pour mettre en évidence le seul projet du Père, sauver les hommes. Qui sabaisse sera élevé ! (Lc 18,14) Dans la mort de Jésus où tout semble sachever, quelque chose de nouveau commence : Dieu est en train de sauver lhumanité. Et à partir de là, en lien avec Jésus, mort et ressuscité, tout homme et toute femme peuvent vivre une vie nouvelle.
Aimer vraiment dans la condition humaine, cest risquer sa vie, la donner jusquà la mort : Jésus ny échappe pas. Il sagit de rester fidèle, obéissant et confiant dans lamour du Père, au milieu de situations qui se sont produites, se produisent et se produiront toujours pour qui prend lamour au sérieux. Cela ressort clairement de lhistoire de Caïn et dAbel, de Joseph et ses songes, de Jérémie, des frères Maccabées, dans les psaumes et les témoignages des martyrs de tous les temps.
Dans lexpérience de la rencontre du Ressuscité, on saisit le lien intime qui relie les événements vécus par Jésus ces jours-là : tu es bien le seul de tous ceux qui étaient à Jérusalem à ignorer les événements de ces jours-ci
(Lc 24,18-21), ce que proclame la Parole de Dieu : il leur expliqua, dans toute l'Écriture, ce qui le concernait (Lc 24,25-27); et ce qui se célèbre dans lEucharistie : quand il fut à table avec eux, il prit le pain, dit la bénédiction, le rompit et le leur donna. (Lc. 24, 30). Alors, la parole de Dieu rend leurs curs tout brûlants. Quand nous relions ces trois choses, nous comprenons que ce qui sest passé sur la croix fut un acte damour - doblation (pain rompu) par lequel, tant le Père que son Fils Jésus, étaient engagés dans le salut des hommes.
Cette expérience renforce nos convictions de foi : Qui pourra nous séparer de lamour du Christ ?... (Ro 8,35) Elle donne du sens aux aléas de la vie, et elle nous apprend à les traverser en disciples du Christ : à les vivre par amour comme le Maître. Ainsi peut-on vivre joyeusement le quotidien, la fidélité au devoir détat, même dans les moments de souffrance. La certitude de lamour du Père, le sens que donne une vie donnée dans des relations simples, la joie de savoir que notre existence est bien orientée, tout cela fait goûter une paix profonde, en nous-mêmes et avec nos frères. La joie et la paix sont des dons de la Pâque de Jésus, mort et ressuscité pour ce qui ont décidé de vivre lamour, à Son exemple.
En outre, la rencontre du Ressuscité nous pousse à aller vers ceux qui ont rencontré eux aussi le Crucifié-Ressuscité. Cest ainsi quon fait une nouvelle expérience, celle de la communion ecclésiale..
Le Père Auguste Etchécopar écrit... au P. Victor Bourdenne, de Bethléem, le 26 mars 1893
Par la mort, il fallait triompher de la mort. (
) Jésus nendure la mort que pour létouffer dans ses bras
Et voilà son tombeau, devenu son trône, et la source de notre vie et de notre résurrection !!! Vita et resurrectio nostra. Quils sont à plaindre ceux qui ne connaissent pas cette lumière, cette vie !! Ils sont ténèbres, ils sont dans la mort, dans un tombeau dont linfection rappelle le paganisme et appelle le miracle opéré sur Lazare.
« Seigneur Jésus, un moment enfermé dans ce sépulcre ici présent, et qui en êtes sorti triomphant, nous qui vivons de votre résurrection et vous en rendons grâce, nous vous disons avec la foi de la sur de Lazare : Regardez, ô grand ami des âmes, cette pauvre humanité dont vous avez pris la nature : loin de vous, elle est morte et en proie à la dissolution. Dites un mot et elle vivra
Car vous êtes la Résurrection et la Vie ; et aucune mort, aucune pourriture ne peut résister à la Vie qui na quun mot à dire pour tout faire jaillir du néant et de la mort
».
Bétharramites, fils du Cur de Jésus, famille de disciples en mission sur de nouveaux chemins de communion
BÉTHARRAMITES
Quand on propose un thème dannée, on commence souvent par "Bétharram": linstitution, lhistoire
Mais, pour beaucoup, Bétharram renvoie à des réalités bien différentes : une chapelle, un lieu de solidarité, une paroisse, la maison-mère avec son sanctuaire et le calvaire, un collège, etc. Quelle diversité dans ce panorama ! Comme il est difficile dunifier autour dun mot les émotions, les sentiments, positifs ou négatifs
Néanmoins, quand on dit : "Bétharramites", on passe de linstitution aux personnes
"Les Bétharramites": aujourdhui, ce ne sont pas seulement les religieux, mais aussi des laïcs, appelés personnellement à boire un même charisme aux sources que saint Michel nous a laissées en héritage. Les Bétharramites sont des personnes concrètes, non des murs de béton* On prend souvent les gens pour des murs, comme laveugle de lÉvangile qui confondait les arbres et les hommes
Depuis plusieurs années, les religieux de Bétharram de la Région Etchécopar ont fait loption de redécouvrir leur vocation de consacrés. Cesser dêtre des gardiens de musées pour devenir ce que demandait la voix unanime de lépoque : « nous voulons être religieux » (chapitre général 93), « partageons la mission avec les laïcs », « formation, formation, formation » (chapitre général 99)
On pourrait objecter que Bétharram existe aussi comme institution. Oui, il existe et existera toujours dans la mesure où nous ne confondrons pas lidée que nous en avons avec le Béharram réel, fait de telles personnes.
En Argentine, dans les années 90, le Père Bruno nous disait : Bétharram est une vieille maman que nous devons servir ; plus tard, au tournant de siècle, Gaspar nous disait que Bétharram est un petit enfant fragile, une espérance
Récemment, le P. Enrique nous rappelait que Bétharram est une famille, qui veut travailler en communion.
Or aussi bien la vieille maman, que lenfant fragile ou la famille, sont trois visages dune même réalité de Congrégation animée par des personnes (religieux et laïcs) qui veulent « vivre et mourir en elle », comme dirait saint Michel. Les voilà donc, « les Bétharramites ».
FILS DU CUR DE JÉSUS
Il y a peu, en contemplant un célèbre tableau de Jésus, son Sacré Cur à la main, jai eu un sentiment qui sest rapidement transformé en conviction ; dans le silence, jai senti que Jésus me disait : Voici mon Cur. Ne repousse pas les souffrances du cur: tu deviendras fils comme moi.
Cette motion intérieure ma beaucoup surpris: y penser ma mis dans la paix et la consolation ; cela ne ma pas quitté. Le Seigneur a parlé et jai compris que nous sommes les Fils du Cur de Jésus. Saint Michel sexprimait dans le même sens : « Il nous a engendrés, nous Lui devons tout. »
Aujourdhui comme hier, en tant que Bétharramites nous vivons de ce « secret ressort » : lAmour du Sacré Cur. Et nous le vivons comme un élan généreux, qui na rien à voir avec un pieux dolorisme. Le Cur de Jésus est vaillant, « tel un époux, il paraît hors de sa tente, il s'élance en conquérant joyeux. » (Ps 118). Un chemin qui nest pas exempt de croix, aussi dures à porter que gages de victoire. Que de Lumière pour une famille religieuse appelée à servir selon son charisme !
UNE FAMILLE DE DISCIPLES EN MISSION
La famille existe-t-elle aujourdhui ? Quand on essaie de décrire son style de vie actuel nous avons plus de doutes que de certitudes
Or il se trouve que nous, Bétharramites, nous avons été appelés à être une vraie famille. Le P. Mirande, Supérieur général dans les années 60, avait des mots prophétiques sur « lauthentique bétharramite », ils peuvent nous éclairer : « Le vrai Bétharramite aime Bétharram. Il lui est attaché par toutes les fibres de son être. Les intérêts de la Congrégation sont devenus ses intérêts ; ses joies, ses peines, ses espoirs sont devenus sa vie. Il en est arrivé à ne pouvoir imaginer ce que serait son existence en dehors de Bétharram. (
) Le vrai Bétharramite aime le Bétharram réel, donc tous les Bétharramites, même tel ou tel
Nous serions bien peu Bétharramites si notre amour pour la Congrégation ne réussissait pas à nous faire passer par-dessus telle répugnance, tel motif, même juste, de ressentiment. Il est de chez nous. Cela suffit. » (NEF, septembre 1959)
Voilà lesprit de famille, dune famille qui saccepte telle quelle est. Sans idéalisation ni reproches. Sans utilitarisme de circonstance. Sans discrimination ascendante ou descendante. Car cela na rien à voir avec lAmour qui unit un Bétharramite à un autre. Cest ce sentiment profond qui nous fait croire que Bétharram (les Bétharramites, les personnes) ont un avenir. Une famille qui regarde vers lavenir, comme le disait naguère un thème dannée.
Comme on apprend toujours, nous sommes famille de DISCIPLES-MISSIONNAIRES. Nous devons faire nôtre le message des pasteurs qui aspirent à une Église en état de mission.
Au cur de notre charisme se trouve ce texte qui manifeste la double dimension de lappel, et la réponse de tout bon Bétharramite, disciple-missionnaire : « en entrant dans le monde, le Christ dit, daprès le Psaume : Tu nas pas voulu de sacrifices ni doffrandes, mais tu mas fait un corps. Tu n'as pas accepté les holocaustes ni les expiations pour le péché ; alors, je t'ai dit : Me voici, mon Dieu, je suis venu pour faire ta volonté, car c'est bien de moi que parle l'Écriture. » (Hé 10,5-7)
Comme il est important de se mettre à lécoute des signes des temps, douvrir ses oreilles, comme le porte loriginal hébreu (cf. Ps 39,7) ! Ne nous agrippons pas au passé, mais allons résolument de lavant, comme des fils prêts à donner leur vie avec un immense Amour, « dans les limites de nos emplois et positions ».
Le disciple se fait missionnaire, car lexpérience de Dieu le brûle de lintérieur. Son cur est tout brûlant de lAmour du Christ qui larrache à la routine, au sentiment déchec, au non-sens. Ainsi on découvre quil ny a pas besoin daller très loin pour vivre la mission. La mission est là, sous nos yeux. Arrêtons-nous un instant pour regarder, écouter, dialoguer. Selon lÉvangile, alors que Jésus était en route, il sarrêta, demanda quon fasse approcher laveugle et lui dit : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » (Lc 18,41)
SUR DE NOUVEAUX CHEMINS DE COMMUNION
De nos jours, on vit en acceptant ou pas de répondre aux sonneries du portable, en subissant les propositions, offres en tout jours, fenêtres qui souvrent sur notre écran sans les avoir sollicitées
On court le risque de faire de même avec le Christ et sa bonne nouvelle. Quand il appelle tendrement à venir à lui (cf. Mt 11,25ss), qui pourrait y tenir ?... Le Seigneur nimpose jamais, il propose toujours. « Qui veut me suivre
», dit-il.
Souvrir de tout cur au Christ est la condition dune vraie communion. Nous navons pas besoin de multiplier les liens virtuels entre nous ; pour efficaces que soient les moyens actuels de communication, la charité authentique exige des liens réels. Des temps partagés. Une façon de sélancer ensemble sur les pas de notre seul Maître. Un projet commun. Cest lexpérience de Dieu qui nous rassemble. Nous façonne. Nous accorde.
Dans une société où les relations sont fragiles, éphémères, quasiment jetables, nous relevons le défi dentreprendre de nouveaux chemins de communion en Christ ; ils nous mèneront sûrement au Père, cest-à-dire au bonheur, à la sainteté, à limpérieux désir que tout être soit touché par lAmour du Christ.
La Régionalisation nest que la conséquence, parmi nous, de lexpérience que nous avons faite du charisme légué par saint Michel. Surtout le Unum sint (quils soient un). Mais ce nest que le début dun chemin qui nous conduit à celui qui est le Chemin, la Vérité et la Vie. Nul ne va au Père sans passer par Lui. (cf. Jn 14,6)
Gustavo Agin,SCJ
SOLIDARITÉ 2009 Un portrait pour un projet (1)
| Il sappelle Arsène. Il a 16 ans mais on lui en donne trois de moins. Sa famille habite à 35km, à Boniéré. Comme il ny a quun établissement pour tout le département, il fait sa 5e au Lycée moderne de Dabakala : 2139 élèves pour 10 professeurs certifiés (contre 40 avant la crise de 2003). Arsène a plus de chance que ses camarades qui sentassent dans des chambres en ville. Il loge au "campus", le foyer détudiants tenu par les Bétharramites, derrière le presbytère. Moyennant 1500 CFA par mois (un euro) 36 jeunes ont un toit, un lit, de quoi faire la cuisine et la toilette, plus une salle détudes avec lélectricité - ce qui leur évite de réviser dans la rue pour profiter de léclairage public. Chaque matin, Arsène se lève aux aurores pour chercher leau à la pompe, se laver, avaler rapidement le "riz couché" qui reste de la veille, et être en classe des classes de 70 à 80 élèves - à 7h. En milieu daprès-midi, il retrouve le campus, fait ses devoirs, lave son linge et prépare le feu pour le repas du soir. Il a aussi des cours de rattrapage assurés tous les jours par les membres de la communauté, et un paroissien bénévole. En attendant, on pourrait la lui rendre un peu plus commode. Le campus a été bâti il y a 30 ans. La réfection des sanitaires simpose: démolition du bâtiment central, et vétuste, qui abrite les toilettes et les douches (sans eau courante); reconstruction à lécart des habitations, ne laissant au milieu de la cour quun auvent pour la cuisine. Sur place, les Bétharramites nont pas de ressources propres : ils ont besoin de 5500 euros pour mener à bien ces travaux. Pour Arsène et les autres.Ils ont besoin de nous. Jean-Luc Morin,SCJ |
POUR VERSER VOS DONS (déductibles des impôts):
envoyer votre participation à Procure des Missions 64800 Lestelle-Bétharram
CCP 12880 P Toulouse (préciser "projet solidaire")
5 minutes avec... le Frère Angelo Sala
Angelo Sala a connu notre Congrégation alors quil était coopérant en République Centrafricaine. Il est entré dans notre famille religieuse, où il se prépare à prononcer ses vux perpétuels comme religieux-frère. Il se trouve actuellement à Monteporzio doù il suit un cours pour formateurs à lUniversité salésienne de Rome. Nous en avons profité pour lui poser quelques questions.
Nef - Frère Angelo, tu suis un cours pour formateurs. Frère et formateur : comment articuler les deux ?
- Je suis convaincu que ce binôme ne peut quêtre positif. Les deux rôles sont liés, du fait quun religieux est toujours en formation. Il serait absurde de penser que la formation se limite à une durée précise en ce sens, saint Michel disait que le noviciat dure toute la vie. Être à la fois formateur et religieux cest donc être toujours prêt à répondre me voici, sachant que chaque jour a son lot de difficultés mais aussi quon y fera des expériences qui enrichiront notre vie religieuse. Cette tâche, je laccomplirai en collaboration avec mes confrères en Afrique. Cela fait des années quils suivent des jeunes désireux dentrer à Bétharram. On verra dailleurs les fruits de leur travail avec lordination de notre premier prêtre centrafricain, le Fr. Narcisse, en juin. Je retournerai en Afrique en octobre. Dici là, le cours de formateurs me plaît bien, car il me fournit des outils pour élaborer un projet de formation. Reste que lexpérience du terrain est fondamentale : aucun cours ne pourra remplacer le coude-à-coude quotidien avec les jeunes.
Tu as une riche expérience au Centrafrique. Quels défis dois-tu relever dans ta mission ?
- Lexpérience que jai eu la chance de faire dans le monde de la santé, je la dois au P. Tiziano Pozzi. Dès quon sest rencontré, il my a impliqué. Mon plus grand défi comme religieux , cest de minculturer là où je dois mener ma mission. Linculturation, cest la rencontre du christianisme et dune culture spécifique, qui évolue; cela suppose dêtre au clair sur ce quon doit inculturer, davoir le sens critique nécessaire au discernement des valeurs à assumer et intégrer. Un autre grand défi est la capacité à collaborer avec léglise locale et les autres congrégations présentes sur le territoire, surtout dans ces champs de travail exigeants que sont la formation et la santé. Enfin, il faut sensibiliser les jeunes en formation à ne pas séparer lévangélisation et la promotion des personnes, par laquelle la vie religieuse participe à lhistoire et aux problématiques humaines. Évangéliser, cest faire entrer le spirituel dans le temporel pars la rencontre du Christ et de son Évangile.
Peux-tu nous tracer à grands traits le projet de traitement à domicile des malades du sida?
- Lidée de T.A.D. est née pendant ma deuxième année de noviciat au foyer pour sidéens de Monteporzio. Depuis, quatre ans ont passé pour un tel projet: il fallait sassurer la collaboration et lexpérience de gens compétents qui ont consacré leur vie à la lutte contre le sida et continuent de croire quun jour cette guerre sera gagnée. Je tiens à rappeler que plusieurs personnes travaillent à ce projet: le P. Mario (pour lorganisation et la recherche des formateurs dagents sanitaires), le P. Piero (pour linformation et la logistique) et le P. Beniamino (pour la construction du centre).
Le but du projet est de prêter assistance aux sidéens qui vivent en ville et dans la périphérie de Bouar. Pour ce faire, il y a deux moyens principaux : la prévention, pour contrecarrer la diffusion de linfection par le biais de campagnes personnalisées déducation et de conseil; et laccompagnement à domicile: assurer le suivi des patients en lien avec les structures socio-sanitaires concernées ; établir une relation daide avec les malades, leurs partenaires et leurs famille ; établir et entretenir avec les autres structures socio-sanitaires des rapports de collaboration, dinformation et dassistance ; exécuter des tests de détection du HIV
Il faut ajouter à cela : la formation du personnel local ; léducation sanitaire ; le conseil avant et après test ; la prévention de la contagion de la mère à lenfant pendant la grossesse ; ladministration des remèdes; la création dun laboratoire de biochimie ; le contrôle du don du sang ; la prévention et le soin des maladies liées au sida, etc. La tâche est énorme; seul un travail en réseau permettra datteindre les objectifs que sest donnée la Congrégation et contribuer ainsi à endiguer lépidémie.
Les propos du Pape sur le préservatif ont déclenché récemment une tornade médiatique. À la lumière de ton expérience, quen penses-tu ?
- À mon avis, lusage du préservatif nest pas la solution pour éviter la transmission du sida. Il faut avant tout combattre cet autre fléau qui frappe lAfrique depuis toujours : la pauvreté. Le manque du minimum vital crée des pathologies sociales tel le multi-partenariat sexuel : en ville, beaucoup de femmes essayent davoir des enfants de plusieurs hommes, de façon à en recevoir plus dargent. Faute dalternative pour pourvoir aux besoins de leurs familles, et malgré la conscience du risque encouru, certaines choisissent de se prostituer. Des tas de garçons et de filles marginalisés ont des rapports sexuels anarchiques, donc à risques, du fait du laxisme, du manque de sécurité et de lexclusion sociale.
LAfrique doit aussi prendre sérieusement en considération la culture de la fidélité conjugale et de lintégrité morale. La lutte contre le sida doit sinspirer dune vision constructive de la dignité de lêtre humain, et investir dans la jeunesse en laidant à développer une maturité affective responsable. Je crois que lÉglise peut faire beaucoup pour y sensibiliser les jeunes. En même temps il faut prendre en compte les cas où lusage du préservatif apparaît raisonnable, comme ces couples dont lun des conjoints est séropositif . Il sagit ici, par lusage du préservatif, de préserver la vie dune personne.
Que répondrais-tu à un jeune qui te dirait : « Je veux vivre quelque chose en Afrique » ?
- Je ne pourrais que lencourager à faire cette expérience: pour un jeune immergé dans nos sociétés de consommation et de relativisme moral, faire un séjour en Afrique ne peut laisser indifférent. Mais pour que ce soit positif, je donnerais deux conseils pratiques : dabord, que lexpérience sappuie sur une mission qui aide le jeune à comprendre les traditions culturelles du milieu ; ensuite, quil ait quelque chose de précis à faire. Aller en Afrique, même pour une courte période, permet de toucher du doigt la misère et la souffrance des gens, voire de sentir son impuissance, mais aussi de partager des moments de joie, notamment avec les enfants. Un autre point positif, cest de vivre avec la communauté, de passer du temps aux côtés des missionnaires, de porter avec eux les fatigues et les satisfactions de chaque jour.
4. LE RENOUVELLEMENT
Octobre 1966 cest le départ dune autre expérience, la responsabilité du petit séminaire « Saint Jean », créé cinq ans plus tôt par Mgr Durrheimer qui a été particulièrement convaincant auprès du supérieur provincial, le P. Amédée Brunot : « Quoi de plus important et plus beau que de former des prêtres ! ». Il va jusquà présenter sa connaissance profonde de la congrégation : « Cela répond parfaitement, semble-t-il, à lidéal de St Michel Garicoïts et à lesprit de la congrégation. Vos pères mont du reste fourni jusquà présent des preuves plus que suffisantes quils méritent pleinement la confiance que je mets en eux. Oui, cest sans lombre dune hésitation que je leur confie nos vocations sacerdotales, c'est-à-dire ce que jai de plus cher et de plus précieux dans mon diocèse. »
Les premières semaines ne sont pas faciles car le supérieur de la communauté, le P. Gabriel Verley est retenu par les médecins en France jusquà Noël. Cest le P. Jean Suberbielle qui assure la suppléance, bien épaulé par les Pères Monnot, Minaberry et Ségur ; ils bénéficient de la présence dun jeune laïc missionnaire, John Houpert et dun jeune couple Marie et Pierre Fouillassar ; une femme dans un petit séminaire a commencé par étonner mais cest déjà louverture au lendemain du concile Vatican II qui sest achevé quelques mois plus tôt ! Ils sont au service de 85 petits séminaristes répartis en 5 classes (CM2, 6°-3°) ; leurs efforts sont récompensés car en fin dannée tous les élèves de 3° sont admis au B.E.P.C. Leurs performances sportives sont à relever car le P. Ségur est attentif à assurer la promotion en particulier du basket ; le séminaire se dote dun terrain de basket cimenté aux normes olympiques. Le P. Verley soigne les blessés !
À la rentrée suivante, en octobre 67, la communauté est renforcée par larrivée dun jeune, le Frère Jean Claude Vignau qui était en service au collège de Casablanca ; grâce à lui, plusieurs chantiers sont achevés, le réfectoire et une citerne. Certes le temps est plus clément quà Ferké mais la saison sèche est presque aussi longue de Toussaint à la saint Joseph ; il faut donc recueillir le plus deau possible car il ny a pas de forage. LEvêque avait fait la promesse de la présence dun prêtre africain du diocèse, il faudra attendre quelques années de plus pour sa réalisation. La communauté singénie pour que les retraites et récollections soient prêchées par des prêtres diocésains ; en cette 2° année scolaire elle est prêchée par labbé Bernard Agré, vicaire général dAbidjan qui est aujourdhui cardinal, archevêque émérite dAbidjan ; quelques années plus tard, ce sera labbé Noël TEKRY qui deviendra évêque de Gagnoa.
Comme à Ferké, la communauté est soucieuse de construire une vie fraternelle et de prière ; les séminaristes sont heureux de voir les religieux prier loffice et réciter le chapelet en arpentant la véranda de la résidence des Pères. La communauté est particulièrement accueillante aux missionnaires qui sont heureux de faire une halte après avoir roulé des heures sous le soleil et dans la poussière rouge des pistes. Les laïcs missionnaires (déjà) qui résident au séminaire sont invités à intégrer cette vie communautaire ; avec John, se trouve un autre coopérant, Pierre Clivet. Les Religieux, loin de vivre repliés dans la maison, assurent la catéchèse du CEG et du collège Moderne ; ils aident pour les célébrations eucharistiques dans les villages ; ils sont aussi aumôniers diocésains de plusieurs mouvements (CV-AV, JEC, Légion de Marie
..). Le samedi soir, soirée récréative au séminaire ; un film prêté par le centre culturel français de Bouaké, acheminé chaque mercredi par léconome, le P. Minaberry, rassemble des centaines de jeunes du quartier et de la paroisse ; le P. Suberbielle en fait une présentation avec beaucoup de pédagogie. Les média sont déjà là !
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