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17/04/2011

Nouvelles en Famille - 14 mai 2011

Sommaire

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Le mot du Père Fondateur

église de Coarraze (France)

La véritable vie spirituelle

L’entreprise la plus noble qui puisse exister, c’est de parvenir au comble de la perfection évangélique et de s’unir à Dieu de manière à devenir un même esprit avec lui. Nous sommes tous obligés de travailler à réaliser ce dessein, c’est une suite de notre élévation à la participation de la nature divine. « Nous devons glorifier et porter Dieu dans notre corps » (I Cor 6,19). Il faut donc savoir en quoi consiste la véritable vie spirituelle.
Les uns la font consister dans la multiplicité des prières; les autres dans le grand nombre d’œuvres extérieures qui vont à la gloire de Dieu ou au soulagement du prochain; quelques-uns la mettent dans des désirs continuels de faire leur salut quelques-uns dans de grandes austérités.
Peut-on dire que ces choses-là sont autant d’abus? Non, toutes ces choses sont bonnes; elles sont même nécessaires. Mais on se trompe si on y voit l’essentiel de la véritable piété. La véritable piété, qui nous sanctifie, qui nous dévoue tout entiers à Dieu, consiste à faire tout ce que Dieu désire de nous. Mon Dieu, donnez-nous de bien comprendre et goûter une chose si simple (dans le) Saint-Esprit! Sans quoi, nous nous tromperons grossièrement.
La dévotion parfaite consiste à faire tout ce que Dieu veut de nous, précisément comme il le veut, dans les temps, les lieux et les circonstances où nous nous trouvons. (Faisons) tant de mouvements que nous voudrons, tant d’œuvres éclatantes qu’il nous plaira. Nous ne serons payés que pour avoir fait la volonté du souverain Maître. Le domestique ou l’ouvrier qui nous sert ferait des merveilles dans notre maison, s’il ne fait pas ce que nous souhaitons, nous ne lui tiendrons aucun compte de ses actions et nous nous plaindrons avec raison de ce qu’il nous sert mal.
Le dévouement parfait, d’où la dévotion tire son nom, veut encore que nous fassions la volonté de Dieu avec amour. Dieu aime qu’on lui donne avec joie, et, dans tout ce qu’il prescrit, c’est toujours le cœur qu’il demande.
Un tel Maître mérite bien qu’on s’estime heureux d’être à lui. Et il faut que ce dévouement se soutienne constamment et également, partout et toujours, (même) dans ce qui nous choque, dans ce qui contrarie nos vues, nos inclinations, nos projets; et qu’il nous tienne prêts à donner tout notre bien, notre fortune, notre temps, notre liberté. Être dans cette disposition et en venir aux effets, c’est avoir une véritable dévotion.
Mais, comme souvent la volonté de Dieu nous est cachée, il y a encore un pas à faire dans le renoncement, c’est d’accomplir cette volonté par obéissance, une obéissance aveugle, mais sage dans son aveuglement. C’est la condition imposée à tous les hommes: le plus éclairé d’entre eux, le plus propre à attirer les âmes à Dieu et à les y conduire, doit être lui-même conduit...
Un des principaux effets de l’amour est de faire que ceux qui s’aiment n’aient entre eux qu’une même volonté. Il s’ensuit que, plus on aimera Dieu, plus on sera conforme à sa volonté, et que, réciproquement, plus cette conformité sera intime plus l’amour sera parfait...
Saint Paul, dès le premier moment de sa conversion, se montre parfaitement disposé et soumis à tout ce que Dieu voudra: "Seigneur, que voulez-vous que je fasse?" (Actes 9,6). Ô parole courte, mais pleine, vive, efficace et digne de toute estime et de toute récompense! Elle ne renferme que deux mots, mais elle dit tout: "tout ce que Dieu veut que je fasse et que je souffre". Elle sort du fond du cœur, et jamais Paul ne s’en est départi dans sa conduite. Elle est digne d’être reçue dans tous les états et dans toutes les conditions, surtout par les religieux. Elle renferme une parfaite forme de vie, si bien que, si nous parvenions à ce point de perfection, nous ne laisserions rien à désirer.
Samuel nous fournit un exemple semblable. Sa parole est la même que celle de saint Paul: "Me voici! parlez, Seigneur, votre serviteur écoute." (Sam 3,10) Heureuse l’âme qui ne désire que connaître et faire ce que Dieu veut! Si quelque part, sur la terre, on doit trouver cette béatitude, c’est sans doute parmi les religieux. La volonté de Dieu leur est manifeste. Dieu lui-même leur commande par leurs supérieurs, leur parle par leur règle, les éclaire et les meut intérieurement, et leur apprend par ces lumières et ces motions ce qu’il veut d’eux. "Heureux sommes-nous, ô Israël, parce que Dieu nous a révélé ce qui lui est agréable!" (Bar 4,4). Il ne nous reste qu’à mettre la main à l’œuvre sans retard et à faire ce que nous savons que Dieu veut.

Saint Michel Garicoïts
"Père, Me Voici", pp. 23-27


nef-etchecopar.jpgLe Père Auguste Etchécopar écrit...
prière pour le Chapitre général de 1894

Prions pour chacun de nous : que Dieu nous donne cette vraie estime, Amour de la Croix. pour la grâce de la bonne mort, dont Marie est établie patronne au pied de la Croix.
Prions pour tous les graves intérêts  et les classes de la Congrégation.
Demandons pour le Chapitre général que Dieu lui accorde les lumières nécessaires et lui fasse adopter les mesures les plus utiles au bien de la Congrégation ;
Pour les malades, que le Seigneur leur donne la guérison et la patience ;
Pour les missionnaires, le zèle et la prudence ;
Pour les scolastiques les connaissances qui font les savants, la science supérieure qui fait les saints ;
Pour les novices bien-aimés, objets de tant de soin et de tant d’espérance, la grâce de fonder leur édifice spirituel sur les vertus et dans le Cœur de Notre Seigneur et de sa très sainte Mère.


Vers le Chapitre général

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Passé, présent, avenir de la vie consacrée

Lors de son assemblée de novembre dernier, l’Union des Supérieurs Généraux a analysé la vie consacrée en Europe : la situation est préoccupante, mais pas désespérée; en effet, de nouveaux champs missionnaires sont ouverts, à condition de savoir les repérer en revitalisant et en actualisant le charisme propre. Les 160 Supérieurs présents l’ont fait remarquer : la plupart des instituts apostoliques ont été fondés dans le sillage de la révolution française, dans une société et pour une société en pleine désagrégation spirituelle et morale. En partant de la façon dont, à l’époque, les congrégations ont affronté les besoins apostoliques du moment, voyons comment, aujourd’hui, dans une fidélité renouvelée au charisme d’origine, on peut répondre aux défis de l’évangélisation dans un contexte similaire.

ÉGLISE ET SOCIÉTÉ
À l’époque : au XIXe siècle, suite aux Lumières et à la Révolution française, la société n’accepte plus que l’Église guide et inspire le vivre ensemble, politique, social et moral. Au mieux celle-ci est ignorée et confinée aux sacristies, au pire elle est persécutée. Les idées dominantes sont ailleurs : libéralisme, socialisme, positivisme, communisme. Ce sont les débuts de la sécularisation : les nouvelles idéologies font le lit de la déchristianisation. La culture est aux mains d’une élite qui pèse sur la vie sociale et politique dans un sens laïc, voire laïciste, l’éloignant toujours plus de ses racines chrétiennes.
Aujourd’hui : en Europe, la prise de distance avec le christianisme est un phénomène évident et massif. La société civile n’a plus rien à voir avec celle d’autrefois,   toute imprégnée de valeurs évangéliques. D’un côté, l’Église reconnaît clairement l’autonomie du temporel dans l’élaboration du tissu social et économique ; de l’autre, cette autonomie conduit souvent à marginaliser l’Église dans le champ social. En conséquence, les deux  époques posent le même défi: remettre les valeurs évangéliques dans la vie sociale, culturelle, politique, afin de l’ouvrir à la dimension véritable et totale de l’homme.

RELIGIOSITÉ SUPERFICIELLE
À l’époque : la Révolution française a sapé les structures de l’Église ; le clergé a été pourchassé ou empêché dans l’exercice du ministère, ce qui s’est répercuté sur la religiosité du peuple privé de la Parole de Dieu. D’où le climat d’indifférence, alimenté par le manque d’évangélisateurs et l’hostilité déclarée de la culture dominante.
Aujourd’hui : notre époque reproduit ce schéma, en l’exacerbant, avec deux phénomènes apparemment contradictoires : d’une part, un nombre croissant de personnes délaisse la religion traditionnelle (en Europe, les pratiquants convaincus sont d’ores et déjà minoritaires) ; d’autre part, on assiste à un retour du religieux, qui s’exprime souvent de façon ambigüe et superficielle, teintée d’occultisme, voire d’intimisme individualiste. Il s’agit donc d’une religiosité à évaluer, à purifier, à libérer des simples traditions ; une religiosité à ré-incarner entièrement dans la vie personnelle, familiale, sociale, culturelle, et solidement enracinée dans la Parole de Dieu.

LA MORALE DES "ISMES"
À l’époque : cette religiosité coupée de ses racines et en mal de convictions solides rejaillit inévitablement sur la conduite morale du peuple chrétien ; au XIXe siècle, naissent et se développent l’individualisme et le subjectivisme, lesquels déboucheront ensuite sur le relativisme religieux et moral. On n’admet plus l’existence de principes (essentiellement évangéliques) d’où tirer des valeurs morales reconnues valables pour tous ; et voilà posées les bases du subjectivisme, refusant toute norme extérieure censée léser la liberté de chacun : dans cette optique, où ne subsiste que le moi individuel, toute morale n’est légitime qu’en référence à l’individu qui l’établit
Aujourd’hui : ces « conquêtes » de la pensée sont devenues des « dogmes » absolus, des « vérités » acquises  défendues par la culture dominante, et suivies par des tas de gens, y compris des chrétiens patentés. La culture moderne reconnaît pour seule autorité celle de l’ego (libertarisme), dictant les canons d’un bonheur à atteindre par les moyens que chacun juge adaptés, et le droit de décider librement de sa vie. La morale catholique est condamnée au silence, car elle est tenue pour étrangère à l’homme et négatrice de sa liberté. Notre époque est dominée par l’individualisme moral, qui pénètre la sphère sociopolitique, et par le relativisme religieux ; on soutient la pluralité des vérités, et l’égalité des croyances. S’y ajoutent le scepticisme quant à la capacité de la raison humaine à atteindre la vérité, et l’indifférentisme, pour lequel il est inutile de rechercher la vérité et d’adhérer à une quelconque doctrine religieuse.

ÉTHIQUE SOCIALE
À l’époque : le XIXe siècle voit la montée en puissance de la bourgeoisie qui ne vise qu’à accumuler les richesses, favoriser la croissance sans limite et la productivité. La conséquence, du point de vue de l’éthique sociale, en est la recherche du profit à tout prix ; le capitalisme impose l’argent et la richesse comme des absolus. Les inégalités sociales sont plus marquées. La valeur suprême est de produire pour créer de la richesse et créer du bien-être, sauf qu’en définitive, seule une minorité en profite.
Aujourd’hui : les conditions de vie se sont améliorées, les populations ont bénéficié de nombreux acquis sociaux. Néanmoins, la mondialisation aggrave cette culture du XIXe qui constitue le fond de la mentalité moderne : le profit, la richesse, le succès, l’affirmation de soi font pour beaucoup la valeur de la vie ; pour y parvenir, il n’y a qu’un seul chemin : l’individualisme sans scrupule ni sens du partage. La richesse est le miroir où se voir et se faire voir ; la culture de l’égoïsme, de l’apparence, de l’avoir aux dépens de l’être, est érigée en règle suprême.
En résumé, les deux époques posent le même problème : remettre les valeurs évangéliques dans la vie morale, sociale, culturelle et politique, non pour enserrer la société dans les filets de l’Église, mais pour contribuer à la formation d’une culture individuelle et collective qui sache mettre au premier plan les besoins réels de la personne, et l’ouvrir ainsi à toutes ses dimension humaines et transcendantes.

ET MAINTENANT ?
Comment saint Michel et ses compagnons ont-ils répondu à des problématiques qui ressemblent aux nôtres ? Quels chemins ont-ils privilégiés parmi tous les possibles ? En voici quelques uns qui peuvent nous inspirer aujourd’hui.
Face à une société traumatisée par la Révolution, saint Michel a eu une conscience vive de la mission. Il a fondé la Congrégation comme un « camp volant », justement pour porter la Parole de Dieu dans tous les secteurs de la société et de la culture de son temps, et par là, changer les conceptions et les comportements.
Aujourd’hui, comme à l’époque de notre fondateur, il faut une évangélisation tous terrains, capable de pénétrer les cuirasses d’indifférence, de superficialité, de traditions formelles ; il faut un témoignage fort et crédible, à même d’être accueilli dans un contexte historico-culturel qui a perdu le goût de l’Évangile, et l’a relégué dans la sphère privée. Il faut, comme alors, une annonce éclairée (par des personnes attentives aux signes des temps), adaptée, pour retisser le lien entre foi et vie collective (familiale, sociale et politique) et raviver l’inspiration chrétienne dans les dimensions, multiples et complexes de l’existence.
Saint Michel avait saisi le besoin urgent de former les consciences, à commencer par celle des personnes et des institutions, pour le bien de la société. D’où son attention au monde des jeunes (à travers les écoles et autres milieux propres), à la famille (espace où convergent tant de facteurs vitaux), à la catéchèse (pour une formation chrétienne qui ne soit pas superficielle), à la prédication (pour l’annonce vivante et actualisée de la Parole). Autant de secteurs privilégiés par saint Michel en son temps ; il les a laissés en héritage à ses religieux pour qu’ils s’y engagent selon les modes et les moyens de chaque époque - et qu’ils le fassent toujours à l’intérieur des questionnements de la culture contemporaine.
Inutile de préciser que l’Église, aujourd’hui plus que jamais, considère ces champs d’action comme des priorités de l’évangélisation ; c’est là que se jouent le présent et l’avenir du croyant et de la société. La « nouvelle évangélisation » exige toute une gamme de propositions spirituelles, d’idées, de projets, comme ce fut le cas au XIXe. Les domaines concernés ? - La catéchèse, la Parole de Dieu, la formation chrétienne et culturelle, l’engagement social et politique des chrétiens, l’étude et la mise en œuvre de la doctrine sociale de l’Église, l’action missionnaire (de tous les fidèles). Ce qui revient aux consacrés, mais pas à eux seulement, c’est de s’engager pour se former et apporter des réponses à ces priorités.
Notre congrégation doit sentir l’appel de l’Église à clarifier les objectifs de fond de notre présence, en repérant les besoins les plus urgents parmi les champs d’apostolat énumérés ci-dessus. Et ce, avec la conscience – rappelée par les Supérieurs généraux – que nous ne sommes pas religieux pour ce que nous faisons, mais pour la façon dont nous le faisons, le pourquoi et pour qui nous le faisons. Le nombre et l’importance des œuvres importent peu. Nous devons veiller d’abord à notre « manière d’être ».
Aux débuts de la Congrégation, il y a eu un discernement éclairé et un courage assuré : ils ont mis Bétharram en phase avec les exigences de l’évangélisation. Avec des Pères peu nombreux, mais convaincus de leur mission, et soucieux de réduire la fracture entre la culture (la façon de concevoir la vie et la foi) et l’Église, qui porte des valeurs essentielles pour une vie pleinement humaine. Cette fracture est d’ailleurs l’un des drames des temps modernes.

Nous avons hérité d’une spiritualité fondée sur l’incarnation (la parole-clé de l’Église de tout temps, et surtout du nôtre, quand on parle d’évangélisation), sur le programme et les vertus du Sacré Cœur (résumés dans l’Ecce venio - me voici - de son offrande au Père), sur la figure de Marie (unie au Fils par son Ecce ancilla - voici la servante du Seigneur) ; cette spiritualité est toute d’attention à l’histoire, don de soi prompt et éclairé, présence précieuse, consciente et discrète. Il s’agit maintenant de s’incarner dans notre réalité, avec le même discernement et le même élan, fraternel et communautaire, des commencements.
Selon moi, nos œuvres (paroisses comprises) doivent être des chantiers de méditation et de prédication nourrie de la Parole de Dieu, de catéchèse, de formation humaine et spirituelle pour jeunes, adultes et familles. Autant de pistes qui remontent à l’histoire de Bétharram et que nous indique l’Église d’aujourd’hui.
Je crois que la Chapitre général sera une occasion en or pour cet examen de conscience, approfondi et courageux, que 160 Supérieurs généraux nous demandent au nom de l’Église. Et tout cela, pour aller du passé au présent et de là vers l’avenir, avec une confiance renouvelée.

Ennio Bianchi,SCJ


10 minutes avec... le Très Révérend Père Gaspar Fernandez

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Au moment où s’ouvre le Chapitre général de Bethléem, la NEF a voulu faire le point du mandat écoulé avec le P. Gaspar Fernandez Pérez. Dialogue à cœur ouvert avec le Supérieur général.

Nef : 14-31 mai, deux dates symboliques pour un rendez-vous majeur… comment abordez-vous cette nouvelle étape ?
- Avec des sentiments contradictoires. D’un côté, j’ai très envie d’attaquer ce temps fort de la Congrégation, le Chapitre général de Bethléem, pour ce qu’il signifie d’expérience de fraternité, d’internationalité et de discernement dans la vie de la Congrégation. De l’autre, j’ai un peu le trac, car il faut rendre compte, devant les représentants de tous les vicariats, de la vie et de la mission de la famille de Bétharram ces six dernières années.

Et la Congrégation, comment la sentez-vous ?
- Je la vois pleine de vie et de dynamisme. Là encore, il y a deux aspects : d’une part s’achève un cycle marqué par la culture européenne ; de l’autre s’est déjà ouverte une période qui nous affronte aux défis d’un multiculturalisme toujours plus grand. On a bien répondu aux demandes de Vatican II ; la dimension mystique de la consécration a été mieux prise en compte par la redécouverte du charisme ; on a travaillé à consolider la vie des communautés ; on a diversifié la mission ; la formation a trouvé le sérieux nécessaire dans tous les efforts de clarté et de rigueur ; la collaboration avec les laïcs a pris de l’importance dans le partage de la spiritualité autant que de la mission.

Quand tout remonte à vous de la vie des religieux, est-ce qu’on dort bien ?
- Par nature, je n’ai pas le sommeil facile, mais je dirai que, grâce à Dieu, ce ne sont pas les problèmes des Bétharramites qui m’ont m’empêché de dormir. Tant que je n’ai pas la preuve du contraire, je fais confiance à chaque religieux : son choix de la Congrégation a été dûment réfléchi. J’ai appris à dire avec saint Michel Garicoïts : "Je ne suis pas capable, je ne suis pas digne, peut-être même suis-je incapable et indigne; mais une parole [de vous, Seigneur] et je serai digne et capable." Vivons et mourons dans ce double sentiment de profonde humilité et de confiance pleine d'amour et d'abandon. (Corr. I, lettre 46). Je suis convaincu à la fois que j’ai de grandes limites, et que je peux m’appuyer sur le Seigneur : s’il m’a voulu pour ce service, il me donnera la grâce de l’accomplir.
Et puis, les principales responsabilités ne sont pas à Rome mais dans les communautés où se trouvent la vie et la mission de la Congrégation. On passe beaucoup de temps à l’extérieur de la Maison générale. Et quand on est dehors, on aspire à y revenir pour jouir d’une certaine tranquillité et retrouver son lit. Et puis, j’aime me retirer dans ma chambre pour lire, prier, écouter de la musique… J’estime que le temps réservé à la réflexion est fondamental pour une telle charge.

En tant que supérieur général, quel événement avez-vous vécu le plus douloureusement ces six dernières années ?
- Signer les décrets d’expulsion de deux religieux m’a été très difficile. Mais le plus dur, ce fut ma visite en Côte d’Ivoire, en septembre 2009. Après la retraite que j’y prêchais, j’ai dû reprendre par écrit plusieurs religieux dont la conduite laissait à désirer. Pour le bien de toute notre famille, j’avais le devoir de réagir et d’agir selon les moyens appropriés. Mais j’étais en paix, car toutes les décisions avaient été mûries avec le Conseil de vicariat. Ce qui m’a rendu encore plus serein et confiant en l’avenir, c’est l’attachement à Bétharram, et l’authenticité humaine et chrétienne, que j'ai pu apprécier chez la plupart des religieux et des jeunes en formation.

Qu’est-ce qui vous a rendu  -  et vous rend encore - heureux dans l’exercice de vos fonctions ?
- J’ai le privilège d’avoir été témoin de l’action de la grâce de Dieu chez certains frères qui, dans des périodes de crise et de difficultés aigües, ont su répondre fidèlement au don de leur vocation, notamment à travers l’accompagnement spirituel. Je me réjouis aussi de voir que la formation bétharramite trouve sa consistance par le biais de l’entretien périodique du jeune avec le formateur, et des Exercices spirituels de saint Ignace. Quelle joie de savoir que, cette année, les 30 jours ignatiens ont été donnés dans nos trois noviciats d’Adrogué, Bethléem et Bangalore !

Quel est votre plus grand motif d’espérance pour l’avenir de la Congrégation ?
- De Saint Michel Garicoïts, nous avons reçu un charisme très attirant et très actuel. Nous restons une petite Congrégation. Pourtant, quand on témoigne du charisme avec authenticité et conviction, ça ne laisse pas les jeunes indifférents. Ce fut le cas en Thaïlande, en Inde, en Côte d’Ivoire et en Amérique. Si on a le courage de proposer aux jeunes de faire l’expérience de Dieu, par exemple avec des retraites ignatiennes, des jeunes voudront entrer à Bétharram, en Europe aussi.

Le précédent chapitre avait mis en route deux grands chantiers : la règle de vie et la régionalisation. : où en est-on, six ans après ?
- C’est le Chapitre général de 1999 qui a organisé la Congrégation en régions et leur a donné leur nom. Celui de 2005 a pris des dispositions pour que la nouvelle gouvernance entre en vigueur en deuxième partie de mandat. Le 1er janvier 2009 l’organisation en vicariats et régions a donc pris effet. Au départ, ça semblait facile, mais la pratique nous a vite fait prendre conscience des difficultés. On pensait que tout deviendrait plus simple. Ce ne fut pas le cas, la vie est plus complexe : des choses se sont simplifiées, d’autres se sont compliquées. Pourtant, je crois qu’on ne peut pas revenir en arrière, comme l’ont exprimé les chapitres régionaux. L’avenir de la Congrégation se joue dans la tension vers l’unité, réalisée dans le respect de la diversité culturelle des vicariats. La région est également un élément d’unification des vicariats, des communautés et des personnes qui font la vie de la Congrégation. Le Chapitre général de Bethléem va devoir évaluer ce qui s’est fait, et corriger ce qui avait été pensé mais s’est révélé inutile à l’usage.
La révision de la Règle de Vie est liée à la régionalisation. Pour appliquer ce projet, il fallait adapter la Règle C’est pourquoi, le P. Francesco avait nommé une commission dans ce but en 2002. Elle n’a pas chômé ! Tout en respectant le travail fait en 1969, elle a intégré la réflexion sur la vie consacrée et sur le charisme menée ces 40 dernières années. On pensait terminer plus tôt, mais les deux ans d’expérimentation de la régionalisation nous ont rendu réalistes ; et nous ont conduits à faire des retouches de dernière heure. J’en suis persuadé : ce gros travail a accouché d’un document de valeur, qui reflète bien notre identité et qui a vocation à renouveler notre vie de Congrégation.

En lançant la régionalisation, vous avez insisté sur son enjeu spirituel ; quel bilan en tirez-vous ?
- Deux ans et demi, c’est court comme période d’essai. Mais il y a des signes très positifs. Certains vicariats ont fait la retraite annuelle avec la Narratio fidei. Entre nous, en communauté, on doit pouvoir oser partager sur ce que Dieu fait dans nos vies et dans le monde d’aujourd’hui. Ce type de partage se vit au Conseil général, en Conseil de Congrégation, dans les Conseils régionaux et dans quelques conseils de Vicariat et communautés.  Autre point fondamental : retrouver, dans toutes nos communautés, le rôle d’animateur  joué par le supérieur.  Le Conseil de Congrégation de Bangalore a demandé à chaque Région de prévoir des réunions de supérieurs. Deux d’entre elles n’y sont pas encore arrivé, mais c’est capital si nous voulons donner plus de profondeur à la vie spirituelle et au témoignage de nos communautés.

Quelles priorités missionnaires entrevoyez-vous pour Bétharram en fidélité au charisme et en phase avec les besoins de ce temps ?
- Pour la mission, la première des priorités est de former des communautés internationales. La Congrégation, de France d’abord puis d’Espagne, d Italie et d’Angleterre, a envoyé des missionnaires en Amérique, Terre Sainte, Chine, Thaïlande, Maroc, Algérie, Côte d’Ivoire, Centrafrique et Inde. Bétharram doit rester missionnaire tout en changeant de destination. Sans abandonner ce qui a été lancé en Asie, en Afrique et en Amérique, il faut des missionnaires en Europe pour soutenir des projets phares, et donner un nouveau souffle vocationnel à nos communautés. En même temps, nous suivons de près ce qui se passe en Chine, où Bétharram est en veilleuse depuis 1951. Non loin de là, au Vietnam, l’Esprit Saint, qui a donné à saint Michel Garicoïts le trésor du charisme, nous fait des « clins d’œil  » vocationnels...

Y a-t-il une phrase ou un aspect de notre père saint Michel qui a pris un relief particulier depuis 2005 ?
- J’aime beaucoup la façon dont saint Michel accompagnait par lettres les communautés de Bétharram, comme celle du collège de Moncade à Orthez, ou la toute jeune mission d’Amérique. Voici ce qu’il écrivait au P. Diego Barbé, directeur du collège San José : « C'est vraiment inqualifiable! Mais que voulez-vous? Quand on a des idées arrêtées, il est difficile de s'en défaire; et puis on croit perdre son temps lorsque les choses ne vont pas selon les inventions de nos imaginations; on ne sait pas surtout comprendre, goûter et embrasser corde magno et animo volenti et constanti une obscurité, une stérilité, des insuccès auxquels on se voit réduit par obéissance. C'est la manne malheureusement cachée encore pour plusieurs. » (Corr. I, lettre 163) On dirait que ces propos sont pour nous. La manne cachée, c’est notre union au Christ, qui relativise tout le reste. Les problèmes viennent souvent de notre manque de foi et de nos commentaires, souvent négatifs et décourageants, comme c’était le cas des ragots qui courraient sur le collège d’Orthez.

Un souhait ou une prière pour conclure ?
- Au terme de ce mandat, je ne puis que rendre grâce à Dieu pour la confiance qu’il m’a faite à travers mes frères au dernier Chapitre général. D’abord parce qu’il a choisi un pauvre type de mon genre,  d’une humble famille, d’un petit village, d’un coin inconnu. Ensuite, pour cette délicatesse d’avoir choisi un Bétharramite d’Espagne, laquelle n’a jamais été une entité forte de la Congrégation. Père, je te loue, Seigneur du ciel et de la terre… Oui Père, car tu en a voulu ainsi… Je remercie aussi pour cette grâce d’avoir parcouru la Congrégation pendant six ans, et d’y avoir été témoin des merveilles qu’il réalise chez nos frères et, à travers eux, du salut qu’il apporte aux hommes. Pour ces six années au service de Bétharram, je ne peux qu’unir ma voix à celle du psalmiste : Seigneur, mon partage et ma coupe : de toi dépend mon sort. La part qui me revient fait mes délices ; j'ai même le plus bel héritage ! (Psaume 16,5-6)


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5. PROPHÉTIES DE SŒUR MARIE 

Elles furent très nombreuses, certaines en métaphores orientales, difficiles; il y en eut sur les étapes de sa vie et sur sa mort, avant les trois ans de séjour à Bethléem. En 1868 elle fit prévenir Rome qu’une caserne, proche du Vatican, était minée. On n’en tint pas compte. La caserne explosa ensevelissant des musiciens. On s’en souvint pour d’autres avertissements venus d’elle pendant le Concile.
Je puis apporter un témoignage personnel en ce domaine. En 1925, le P. Buzy, son biographe, nous parla d’une de ses prophéties annonçant que Bétharram aurait pris en charge le séminaire patriarcal. Il ajouta qu’à son avis la prophétie s’était réalisée en 1921 lorsqu’il avait, avec le P. Audin, donné des cours au séminaire. Avec mon condisciple anglais, le P. Waddoups, nous pensâmes que le Père avait trop de bonne volonté en l’affaire. Mais en 1932, nous vécûmes tous deux la vraie réalisation de la prophétie. Le patriarche Barlassina (1920-1947) avait réclamé que Bétharram prît en charge son Séminaire. On refusa. Mais le supérieur général ajouta une ligne imprudente: que dans un cas « d’embarras total », il ferait son possible. Le Patriarche Barlassina créa « l’embarras total » en remerciant les professeurs bénédictins du Séminaire, le 30 juin. En août, il renouvelait sa demande à Bétharram. Nouveau refus. Mais alors, par le P. Buzy, le Patriarche rappela la phrase du T.R.P. Paillas. Cette fois, le Conseil général s’estima lié. Bétharram prit ainsi en charge, quasi par force, le Séminaire patriarcal. Le P. Waddoups et moi-même, désignés pour cette fondation, fûmes d’accord cette fois, pour y voir la réalisation de la prophétie de Sr. Marie.
Sœur Marie fut aussi objet de possessions angéliques, à Pau puis en Inde. Les possessions diaboliques, dans des limites imposées par le Seigneur, ont été considérées par les deux grands experts en mystique, le P. Garrigou-Lagrange o.p. et le P. Mager o.s.b., comme des purifications passives plutôt terribles.
Il y eut aussi dans sa vie en 1876, un cas de bilocation, au bénéfice d’une sainte religieuse de S. Joseph, Sr. Joséphine Rumèbe. Mourante à Chypre celle-ci vit Sr. Marie lui venir, l’assurer quelle ne mourrait pas, car elle avait encore beaucoup de Bien à faire. Il en fut en effet ainsi d’elle en Terre Sainte, jusqu’à sa mors en 1927; avec, entre autres activités, la création du monastère ct du sanctuaire de l’Arche d’Alliance, à Abougosh. En 1878, à Jaffa, Sr Joséphine reconnut avec bonheur Sœur Marie parmi les Carmélites de Bethléem en route pour Nazareth.
Analphabète et sans aucune culture, ne disposant que d’un très pauvre français estropié, mêlé d’arabe, elle faisait preuve cependant dans ses extases d’un vrai don de poésie, en poèmes, cantiques, paraboles. Une Sœur auditrice en disait : « Il y avait quelque chose de suave, d’enfantin, de céleste dans ses gestes, ses regards et le ton de sa voix. Aussi les paroles que nous en rapportons sont-elles mortes auprès de la vie et de l’expression quelle y mettait ». Sa voix brisée retrouvait alors sa clarté et sa chaleur. C’est d’une de ses extases que vint sa si belle prière au Saint-Esprit:

Esprit Saint, inspirez-moi,
Amour de Dieu, consumez-moi.
Au vrai chemin, conduisez-moi.
Marie, ma Mère, regardez-moi.
Avec Jesus, bénissez-moi. 
De tout mal, de toute illusion,
De tout danger, préservez-moi
.

Pierre Médebielle,SCJ
Jérusalem (1983, pp. 201-239)

 

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