Nouvelles en Famille - 14 novembre 2010
Sommaire
- Le mot du Père général
- Le Père Etchécopar écrit...
- Intuition du Père Etchécopar, appel pour aujourd'hui
- Chapitre de la Région Bse Mariam: fraternité et défis sans frontière
- 5 minutes avec le Père Dominique Etcheverria
- In memoriam: P. Miguel Martinez
- Feuilleton: l'aventure de Bétharram en Chine (10)
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Le mot du Père général

Idoneus, expeditus, expositus
Quels sentiments ne devrait pas nous inspirer l'intervention divine! Quel amour, quel respect pour la Société! Quelle confusion d'y avoir été appelés! Quel dévouement joyeux et constant pour travailler à ses intérêts, pour former des hommes dignes d'elle idoneos, expeditos, expositos, des hommes propres à tout, dégagés de tout, entièrement ouverts à qui de droit! (DS 272)
Cet extrait de la Doctrine Spirituelle ne manque pas de force. Il traduit une grande admiration pour le mystère de la Congrégation - trois points dexclamations en trois phrases. Il contient la radicalité de lÉvangile avec cette triple insistance : tout, tout, entièrement, en écho au sans retard, sans réserve, sans retour, par amour. Il fait le portrait du religieux de Bétharram : adapté, dégagé, ouvert. Ces qualités font du religieux du Sacré Cur une personne libre, détachée, désencombrée, qui puisse répondre, sous limpulsion de lEsprit Saint et des supérieurs, aux besoins de la mission de lÉglise, et mieux servir les hommes, en particulier les plus pauvres.
Ces trois mots devraient être la matière de notre examen de conscience quotidien, pour travailler notre cur avec beaucoup dattention et de vigilance ; par là, on éviterait de sinstaller dans ce bien apparent si subtil, et qui maintient dans le mensonge à notre insu.
Idoneus : homme propre à tout. Disposé au succès comme à léchec, aux éloges comme à la critique, à la reconnaissance comme au mépris, au froid comme à la chaleur, à vivre dans le confort ou dans la gêne, à rester ou partir
Disposé à servir, à vivre la fraternité en communauté, à vivre damour, à obéir parce quon na rien à perdre, à se donner sans se préserver, à se perdre au lieu de se chercher, à rechercher en tout le bien des frères de communauté et de ceux que la mission ma confiés
Nous navons pas mis notre confiance et notre espérance dans des hommes ou dans des paroles humaines, mais dans la Parole de Dieu, qui est Jésus, le Verbe incarné, notre Créateur et Seigneur.
Expeditus : dégagé de tout. Cette disponibilité radicale nest possible quen faisant attention à nêtre dépendant daucun bien matériel ou spirituel. Nos vux de chasteté, de pauvreté et dobéissance nous aident à nous détacher des personnes, des choses, des institutions, des honneurs, à ne pas se croire indispensable et irremplaçable, à penser que nul ne peut faire mieux que moi ce qui me plaît. Dépouillés de tout, surtout de nous-mêmes (DS 45), dit encore saint Michel Garicoïts. Nous sommes disciples de Celui qui sest vidé de lui-même pour se faire lun de nous (Phi 2,7) : il sest renoncé sur la Croix en se livrant jusquau bout, sûr que dans son offrande le Père réconciliait toute lhumanité. Nous sommes disciples de cet Agneau devenu notre Pasteur (Ap 7,17)
Comme lui nous voulons être petits, soumis, constants et contents, car à ceux qui sont tels, Jésus révèle ce quil tient de son Père (Jn 15,15).
Expositus : entièrement ouvert à qui de droit. Ce détachement nest possible quà une condition : ne pas être fermés sur nous-mêmes, nos intérêts, nos goûts, nos besoins
mais au contraire, rester ouvert, lil et loreille attentifs à laction de lEsprit dans nos vies et aux indications des supérieurs ; ceux-ci ont reçu mission de nous aider à sortir de nous-mêmes, en nous montrant des appels concrets et à notre portée dans les engagements que la Congrégation a pris envers les Églises locales et lÉglise universelle.
Nous ne sommes pas le centre de la mission, pas plus que la Congrégation, ni même lÉglise. Le centre de la Mission, cest Jésus Christ à proposer à tous les hommes et toutes les femmes. Comme le disait le Pape Benoît XVI aux journalistes, dans lavion qui lemmenait en Angleterre : Je dirais qu'une Église qui cherche surtout à être attirante ferait déjà fausse route. Parce que l'Église ne travaille pas pour elle-même, elle ne travaille pas pour croître en nombre et ainsi augmenter son pouvoir. L'Église est au service d'un Autre, elle nest pas utile pour elle-même, pour être un corps fort, mais pour rendre accessible l'annonce de Jésus Christ.
Gaspar Fernandez,SCJ
Le Père Auguste Etchécopar écrit...
au P. Jean Magendie, 2 novembre 1893
Les commissaires [diocésains instruisant la Cause du P. Garicoïts] sont si émerveillés de le voir dans ses écrits pendant 40 ans travailler, avec tant de profondeur, de solidité et de clarté quils sécrient : « Heureuse la Congrégation qui possède un tel Maître, un initiateur si complet... Non, les membres qui la composent nont pas à chercher ailleurs, pour sinstruire : ils ne trouveraient pas mieux, ni même aussi bien que cette grande et forte doctrine si nettement exposée, et communiquée avec une chaleur dâme qui fait à la fois connaître et aimer la Vérité. »
Oh ! mes Pères, mes frères, mes Enfants ! Si les étrangers parlent et sentent de la sorte, que doivent penser et éprouver les enfants ? Les anciens qui le connurent, quil forma à son image, quil nourrit de son pain, furent eux-mêmes des saints et des héros
Leur seul souvenir me ravit et me donne des transports. Et quand, au Calvaire, je promène mes yeux, du tombeau du Père à la tombe de ses fils (
), je ne puis mempêcher dune extrême confusion pour ma misère immense et despoir en la protection puissante de cette partie de nous-mêmes qui est au ciel...
Courage donc et confiance ; et à la vue de tant dexemples de famille, courons continuer leurs héroïques combats, (
) le regard toujours fixé sur notre aimable Crucifié et sur son cur entrouvert !
Intuition du Père Etchécopar, appel pour aujourd'hui
Depuis la Terre sainte où je suis, jai lu une série de lettres du P. Etchécopar datées de la période où la fondation à Bethléem se réfléchissait (1877-1878).
Lintérêt historique est indéniable; mais il se double dune réflexion sur la façon de lire et comprendre les signes de la volonté de Dieu. Cette intuition dun moment précis de lHistoire, au-delà des formes que la mission a prises depuis et encore après, peut savérer utile pour aujourdhui.
La joie se lie à létonnement sous la plume du religieux: le fait que le Souverain Pontife (vienne) dautoriser directement et immédiatement (L 445, 25/12/78) la présence des religieux de Bétharram au service de laumônerie des carmélites lui apparait clairement comme un signe exprès de la volonté de Dieu. Il vient confirmer cet élan missionnaire qui anima les membres du Conseil, écrit-il ailleurs, lorsquil sétait agi de décider lengagement quelques mois plus tôt : À la première ouverture de ce projet, les Pères du conseil se sont écriés: cest une belle uvre!... Et le P. Etchécopar, dhabitude si prudent aussi bien que conscient des problèmes de manque de religieux, que des problèmes de relations avec les autorités religieuses locales, semble être emporté par le même dynamisme: je me demande DEVANT le Seigneur sil ne faudrait pas faire ici une exception à cause de tout ce quil y a de grâce à sétablir en Terre Sainte. (L 284, 23/01/77). Depuis la congrégation a vécu dautres appels, et su se frayer des chemins vers un service des Églises locales toujours plus fidèle et humble...
La crise et la pénurie ne sont pas moindres aujourdhui et ce ne sont pas les appels et les défis qui manquent! Le passé ne doit pas nous faire oublier lappel à être un camp volant dhommes disponibles. Bien des mutations douloureuses ont été vécues dans la congrégation. Il me semble que lévénement de la fondation de Bethléem recèle, à lire le P. Etchécopar, les germes dune intuition qui, bien quexigeante, permettra, en lui obéissant, dêtre inventifs.
Deux aspects sont marquants et, tels des fils dor, comme inscrits dans la trame des événements: le souci de la vie religieuse vécu dans laudace, la perception de la bonté foncière du service rendu.
Le souci de la vie fraternelle, le supérieur en est éminemment conscient lorsquil sen ouvre au Patriarche lui-même: Permettez-moi de compter, Mgr, que ce fils bien-aimé trouvera auprès de Votre vénérable Paternité les avantages et les inestimables trésors de la société et communauté religieuse auxquels il renonce en partant seul et isolé... (L 329). Cette attente profonde est vitale à ses yeux pour la réussite de la mission. Elle est le signe de ce que lexception est au service de cette dernière mais quelle nest jamais une option normale.
Pour le responsable quil est, la bonté de cette mission ne tient pas au seul lieu où elle est appelée à se dérouler. Elle répond aussi à une dynamique de fond quil exprime à plusieurs reprises: le service de laumônerie des carmélites, le contact avec elles par plusieurs religieux est une bonne chose parce quil relève dun échange spirituel fort, de lencouragement merveilleux à une énergie de vie spirituelle (L 284, 356). Tel est le véritable cur sur lequel se fonde le discernement pour juger de lopportunité ou pas dune réponse favorable.
Si les formes de la mission changent, nous pouvons trouver dans ces perspectives du P. Etchécopar la trace dun essentiel auquel tenir à notre tour pour que notre fidélité se fasse inventive. Ancrés en lui, il nous sera possible de prendre les décisions les plus courageuses, dopter pour les solutions les plus inattendues au service de lÉglise et du monde. À la question qui sommes nous?, le P. Etchécopar, et tant dautres à sa suite, a contribué largement à répondre. À celle que vivons-nous?, nous répondons souvent combien nous est important ce partage simple et humain avec les hommes et les femmes de ce temps, incarnation qui leur révèle le visage du Christ.
La question Que voulons-nous ensemble? fait, quant à elle, appel à une vision personnelle et un partage fraternel de foi. Elle est de notre responsabilité car elle représente cette part que nous avons à prendre dans luvre du Père pour notre Congrégation.
Que lEsprit nous soit en aide, que lintercession du P. Etchécopar nous éclaire sur ce chemin des disciples de saint Michel quil a si puissamment ouvert pour nous!
Philippe Hourcade,SCJ
1er Chapitre de la Région Bse Marie de Jésus Crucifié
Fraternité et défis sans frontière
La semaine précédant le Chapitre régional, le Vicariat dAngleterre a eu la joie daccueillir les délégués des autres parties de la Région : les Pères Pensa, Tidkam, Suthon, Jiraphat et Subancha arrivés de Thaïlande et les Pères Biju Paul, Biju Antony et Enakius de l'Inde. Le comité daccueil était constitué par la communauté dOlton emmenée par le Fr. Andrew, également membre du chapitre. Étaient aussi présents le P. Austin, Supérieur régional, et pour le Vicariat dAngleterre le P. Colin Fortune, le P. Anton Madej et le diacre Wilfred. Manquaient malheureusement à lappel trois de nos Frères: le Père Chan, actuellement en poste à Bangalore (Inde), le P. Mongkhon de Sampran (Thaïlande) et le P. Subesh, qui travaille à Bongaigon. Nous les accompagnons de nos pensées et de nos prières, et gardons lespoir quune prochaine fois ils pourront obtenir un visa et visiter lAngleterre.
Avant le début des travaux, les capitulants ont été promenés dans différentes maisons du Bétharram anglais, dont la nouvelle paroisse prise en charge par le P. Anton ( plus exactement deux petites paroisses qui ont fusionné). Un magnifique accueil y a été réservé aux religieux du Sacré Cur: après une réception à Clayton, nous nous sommes rendus pour la messe à la paroisse voisine dAshley ; la concélébration dans la petite église de campagne y a été suivie dun buffet convivial avec les paroissiens.
Le premier chapitre de la Région Bienheureuse Mariam sest donc déroulé du 26 au 28 octobre dans un lieu historique : la bibliothèque du Prieuré dOlton, là-même où le cardinal Newman, récemment béatifié, a prêché en 1873 pour linauguration de ce qui était alors une chapelle. Le thème de réflexion était tiré de la 2e lettre aux Corinthiens (4,7): "Ce trésor, nous le portons en nous comme dans des poteries sans valeur ; ainsi, on voit bien que cette puissance extraordinaire ne vient pas de nous, mais de Dieu."
Le tour dhorizon de chacun des trois vicariats a permis didentifier les forces et faiblesses respectives. Au vieillissement de lhémisphère nord répond lexpansion vocationnelle du sud (14 prêtres autochtones et 38 jeunes en formation en Thaïlande ; 9 prêtres et 33 étudiants en Inde). Dans un dialogue franc et ouvert, les délégués ont débattu des fragilités humaines, institutionnelles et financières de cette situation. Une volonté commune sest aussi dégagée : celle de mieux travailler ensemble, en Région. Ils ont enfin élus les représentants anglo-asiatiques au Chapitre général : les Pères Colin, Pensa, Tidkham, Biju Alappat et le Fr. Gérard.
Les travaux étaient soutenus par la liturgie joyeuse et priante préparée par le Fr. Andrew; les autres Frères avaient pris en main la restauration, avec laide de braves paroissiens toujours prêts à épauler la communauté. À la fin du troisième et dernier jour, les Companions of Betharram (laïcs associés) dOlton et de Balsall Heath avaient répondu présent pour le repas de clôture, mélange de "fish and chips" anglais, de hachis parmentier et de plats épicés à la mode thaï et indienne.
Sans être un événement historique de la portée des conciles de Nicée ou Chalcédoine, le Supérieur régional estime quun pas en avant a été fait dans la compréhension, le respect mutuel et lamitié : « Nous étions bien conscients dêtre de pauvres vases dargile, mais avec cette tranquille certitude de porter en nous un trésor », estime le P. Austin. Quant à nous, nous souhaitons bon retour chez eux à nos frères de la Région. Ce fut un vrai plaisir de passer ces jours en leur compagnie.
Anton Madej,SCJ
5 minutes avec... le Père Dominique Etcheverria

Le P. Dominique Etcheverria vit à Limoges, au centre de la France, depuis un peu plus 40 ans (le temps de laccomplissement dans la Bible). En toute simplicité, il a bien voulu évoquer pour nous ce quil accomplit et ce qui laccomplit, comme religieux du Sacré Cur de Bétharram.
Nef : Tu portes un nom tout à fait basque et tu es limougeaud dadoption depuis 1969 ; comment est née ta vocation et par quels chemins es-tu arrivé en Limousin ?
- Cest vrai ! avec le nom que je porte et mon accent, pas possible de renier mes origines. En juin 1944, un Père de Bétharram, le Père Ithuralde, est venu dans mon village natal, au fin fond du Pays Basque, prêcher la retraite de « Communion solennelle »
Cétait mon premier contact avec la Congrégation. Cest ainsi que je suis arrivé à Bétharram. Études à lApostolicat et au collège de Bétharram. Noviciat. Scolasticat. 28 mois de Service militaire pendant la guerre dAlgérie. Avant et après mon ordination par Mgr Lacoste SCJ, évêque de Tali, jai fait un long détour par lÉcole de Sonis à Sidi-Bel-Abbès dans lOuest algérien où jai reçu limmense grâce de vivre avec une communauté de jeunes religieux-prêtres dynamiques, généreux et joyeux qui ont marqué ma vie. Après 1968, la catéchèse, en France, venait de connaître une grande évolution avec la participation des catéchistes laïcs. Et cest en septembre 1969 que jai été appelé à Limoges.
La majeure partie de ton ministère sest déroulé auprès des jeunes ; que retires-tu de cette expérience ?
- Au service des enfants, des jeunes et des adultes, jai vécu dabord 10 ans en Algérie, un quart de siècle à Limoges : au collège Ozanam et quelques années au collège Ste-Jeanne dArc, en paroisse St Michel. À lappel de lévêque, jai été chargé de laccompagnement des Scouts et Guides de France comme Aumônier diocésain, 15 ans durant, et enfin du Groupe Jeunes de la Fraternité Chrétienne des Personnes Malades chroniques et Handicapées physiques, Mouvement dEvangélisation nommé familièrement « la FRAT ». Mes plus grandes joies ? celle de voir deux garçons devenir prêtres-religieux et deux cheftaines des Guides de France devenir religieuses ; celle aussi de travailler avec des adultes : catéchistes, responsables de Mouvements et Services diocésains et déquipes locales ; celle enfin de chercher à répondre aux appels qui mont été adressés par les évêques de Limoges et de la Région Sud-Ouest comme Aumônier diocésain et Régional de la FRAT avec laccord de la Communauté et des Supérieurs.
La présence de Bétharram dans le monde de léducation, en Europe du moins, a nettement diminué ces dernières décennies. Comment as-tu vécu cette évolution ?
- Comme une souffrance portée dans la confiance en cette nouvelle orientation de la Province de France. Cela a permis de répondre à dautres appels des évêques. J'y vois pliusieurs défis pour la Congrégation!: dans un monde marqué par lindividualisme, former à la responsabilité ; dans un mondé marqué par une perte de repères, être des lieux dinitiation chrétienne ; dans un monde en quête de sens, proposer une spiritualité fondée sur le Charisme de saint Michel Garicoïts. Ne nous appelle-t-il pas à continuer à vivre le travail éducatif dans le monde des jeunes ?
Tu tes beaucoup engagé auprès des "petits", comme aumônier du Secours Catholique (Caritas) et de la Fraternité des malades. Peux-tu nous en dire plus ?
- Ma mission auprès des « petits » et des pauvres est passionnante encore aujourdhui au milieu des difficultés rencontrées. Ce qui me réjouit cest de pouvoir collaborer comme aumônier ou prêtre accompagnateur avec des Mouvements et Services où les laïcs sont les premiers responsables de leur mission, que ce soit à lAction Catholique des Femmes, ou encore à la FRAT et enfin au Secours Catholique. Le premier aspect de ces engagements est découter, daccueillir, de nouer des liens de fraternité, damitié. Ça rejoint, me semble-t-il, la première mission de lÉglise qui est, par lintermédiaire des relations dentraide, de dévouement, damitié, de témoigner de lAmour de Dieu. Le deuxième aspect : léquipe, lesprit déquipe pour se mettre debout, sortir de soi et de chez soi, et aller visiter un autre qui devient responsable de cet homme ou femme, et qui lengage, de son côté, à en faire autant. Et ceci avec la patience qui caractérise la délicatesse de Dieu. Jaime la devise de la FRAT : « Lève-toi et marche » vers tes frères et deviens témoin du Ressuscité par tes visites, lettres, téléphone, réunions damitié et de réflexion, partages dÉvangile, prière
Telle une petite graine, la FRAT, née en 1945, à Verdun, est bien vivante aujourdhui dans plus de 150 pays sur les cinq continents.
Quas-tu appris au contact des pauvres et des malades ?
- Dabord, jai appris le prix, la grandeur de chaque personne, quels que soient son âge, sa situation sociale, sa santé, sa nationalité, sa religion. Jai aussi appris à aller avec confiance vers lautre et rompre son isolement, à croire en ses capacités, à être proche des plus déshérités, à lutter contre la mentalité dassisté. Enfin jai appris ma pauvreté, les pauvretés par lesquelles, je le crois, peut passer le don de lAmour de Dieu.
Avec les religieux de ta génération, tu as fait le passage de grandes communautés adonnées à une uvre unique (collège), à de petites communautés polyvalentes; comment las-tu vécu ?
- Au début, difficilement
En prenant du recul, jai perçu tout le positif quapportent les petites communautés polyvalentes : les réunions de communauté où chacun peut apporter son vécu dans sa mission, ses difficultés, ses réussites, ses peines et ses joies ; la prière communautaire, en particulier, lEucharistie, et la prière des Heures ; les journées de fraternité, de convivialité qui permettent de mieux se connaître ; chercher à saccepter tels que nous sommes, à saider les uns les autres, à vivre la vie consacrée dans le respect mutuel
Quelles phrases du message de saint Michel tont accompagné et continuent de te porter jour après jour ?
- Dans ma vie consacrée, ce qui ma nourri et qui me nourrit encore au quotidien cest le Heldu naiz, le Me voici de saint Michel Garicoïts pour agir dans "les bornes de ma position", "par amour plutôt que pour tout autre motif'. Bethi aintzina, "en avant toujours" !
In memoriam | Argentine: P. MIGUEL MARTINEZ FUERTES,SCJ
Palacios de la Valduerna, 30 septembre 1942 | Martin Coronado, 13 octobre 2010

Cest avec une profonde tristesse que jai appris la mort du P. Miguel Martínez Fuertes. Jai partagé lannée 2007 avec lui dans notre résidence de Martin Coronado. Le Bon Dieu a voulu que je le retrouve la fin de semaine précédent son décès, en tant quinvité.
En mai 2005 nous avions été agréablement surpris par la nouvelle que Miguel, jusqualors économe général de la Congrégation, ait décidé de rejoindre la vieille Province du Rio de la Plata, lactuel Vicariat dArgentine-Uruguay. Né à Palacios de la Valduerna, dans la province de Léon, en Espagne, Miguel est lun des rares anciens élèves de lapostolicat de Mendelu à avoir persévéré. Sa formation à la vie religieuse le conduisit en France, où il étudia à partir du noviciat. Il y cultiva aussi sa passion de toujours : la musique. Sous nos latitudes, on reprend souvent le fameux Señor, aquí estoy quil a composé. De cette époque, Michel aimait évoquer le souvenir des Pères Mansanné et Brunot, le premier pour son art musical, le second pour sa stature biblique et théologique.
Après un temps de ministère au Pays basque et à Saragosse, le P. Miguel reçut en 1980 lappel à se rendre en Amérique ; sa destination : le Paraguay, où il a laissé une empreinte indélébile. Ceux qui lont connu comme nous, ont apprécié sa profonde humanité, son attention paternelle, son sens du service, sa cordialité. Avec lui, on avait le sentiment dêtre accueilli, "comme à la maison".
Jai été témoin des soins prévenants dont il entourait le P. Cabero, originaire de Léon comme lui. Le P. Cabero, atteint dun grave cancer, avait subi de nombreuses opérations chirurgicales. Tout au long de sa convalescence, Miguel était à ses côtés : un exemple de fraternité bétharramite.
Dans un autre domaine, son travail de traduction a été de la plus haute importance pour les hispanophones que nous sommes. Grâce à lui, nous pouvons, entre autres, avoir accès au fondateur en castillan, lire les articles de la NEF dhier et daujourdhui, connaître et approfondir lhéritage du P. Etchécopar. Lénergie mise à traduire les textes de notre charisme est le signe clair de son amour pour la famille de Bétharram, et de son fort sentiment dappartenance.
Malgré son diabète, Michel sest dévoué sans compter pour la paroisse et le collège de Coronado. Dans lexercice de cette lourde charge, et dans la mesure du possible, il a déployé « limmensité de la charité dans les bornes de sa position ».
Son amour pour notre famille religieuse senracine, peut-être, dans la grande affection quil portait à sa propre famille. Il téléphonait souvent à sa sur Pilar ; peu avant le décès de son frère Angel, il lui a rendu visite. Il conservait précieusement un enregistrement magnétique de la voix de ses parents. Enfant de Léon, il avait gardé la nostalgie du pays. La distance et le temps navaient nullement amoindri en son cur lamour de la patrie.
Cela fait mal de penser que Miguel est mort sans personne à ses côtés. Les circonstances ont voulu quil passe le plus clair de son temps, seul, à Martin Coronado. Lui, un homme de communion et daccueil, dune compagnie fraternelle et chaleureuse, il a fait son passage seul, dans la nuit. Comme Vicariat, nous navons pas fini de nous interroger sur ce que le Seigneur veut nous dire à travers la vie toute donnée de Miguel.
Guido García,SCJ
TÉMOIGNAGE DE SON MÉDECIN
Cher père Miguel, je remercie Dieu de vous avoir connu. Je garde de vous le meilleur souvenir. Bon patient, méthodique, organisé, toujours attentif à la "moitié du verre plein", optimiste, avec une foi profonde et un esprit denfance qui vous rendait transparent. Vous moffriez vos poésies, étonnamment limpides, comme votre musique. À travers vos courriels, vous mavez enseigné linformatique
Dans la foi nous sommes convaincus que vous êtes auprès du Père, et quIl vous a reçu en vous ouvrant les bras de sa Miséricorde. Et Lui aussi vous remercie de votre sacerdoce, qui transmettait paix, confiance et foi en la Providence. Votre témoignage de vie a été une aide pour moi ; je suis sûre quil continuera dêtre une lumière pour beaucoup dautres.
Claudia Aspe (Buenos Aires, 14 octobre 2010)
TÉMOIGNAGE D'UN CONFRÈRE
Quand un ami sen va le Père Miguel Martinez Fuertes
Une nouvelle fois, la mort est venue comme un voleur.
Elle a emporté le P. Miguel Martinez, avant quon sen rende compte.
Le 13 octobre au petit matin, comme lhomme qui mourut à laube, il est parti, victime dun grave infarctus.
Le Vicariat dArgentine-Uruguay a perdu un grand ami.
Il a su se faire aimer pour son aptitude à se faire proche de tous, pour sa fine sensibilité, sa générosité dans le service.
Doté dun grand sens de lorganisation, il recevait royalement dans sa communauté religieuse.
Cuisinant lui-même, il aimait offrir le meilleur. Il tenait compte des besoins et des goûts de chacun.
Il nous mettait à laise, comme si on était chez soi.
Il prenait soin de nous mettre à jour du point de vue liturgique.
Il entonnait les chants pendant les célébrations communautaires, et nous faisait souvent cadeau de nouvelles mélodies.
À son enterrement, nous avons chanté une uvre de sa composition : Señor aquí estoy para hacer tu voluntad.
Il avait souvent des gestes délicats, des attentions, à travers des messages, des appels téléphoniques.
Il nous conseillait pour rendre les comptes. Il nous transmettait son savoir en informatique.
Il parlait peu, mais était très écouté.
Grand travailleur, il a servi la Congrégation en traduisant articles, documents et livres.
Affecté dun diabète aigu, il sinjectait linsuline et respectait scrupuleusement le régime prescrit.
Toutes les semaines, je passais un ou deux jours avec lui.
À chaque fois, son commerce agréable menrichissait.
Jai beaucoup appris et reçu de lui. Il me faisait toujours la première place,
me laissant toujours choisir les meilleurs créneaux pour le travail pastoral en collège ou en paroisse.
Cétait un « monsieur », qui a aussi cultivé lamitié de laïcs.
Il avait beaucoup damis au Paraguay quil allait voir et qui lui rendaient visite.
Certains ont même fait le voyage pour son enterrement.
« Quil repose en paix désormais, car ses uvres laccompagnent. »
Constancio Erobaldi,SCJ
![]() | 10. LE COMMUNISME ET LA MISSION DE TALI (décembre 1950-décembre 1951)par |
En marche vers les trois autonomies Lémissaire gouvernemental établi à Tali, la « réforme de lÉglise » ira bon train sans doute. Celui-ci a vite fait de connaître toutes les familles chrétiennes, de menacer ceux-ci, dencourager ceux-là, cest-à-dire les progressistes, en les engageant à surveiller tous nos pas et à rapporter toutes nos paroles.
Le Catéchiste de Monseigneur est davis de hâter la constitution dun comité réformiste avec toutes les garanties de lorthodoxie religieuse. Vers le 15 novembre avait lieu lassemblée pour en élire le président et les délégués. Le catéchiste de Monseigneur obtient la majorité absolue des voix. Doù cris et injures de la minorité à la solde de la police, dissimulés derrière la salle de réunion. Le Père chinois, qui faisait partie de lassemblée, se voit grossièrement interpellé par lun deux : « Retournez dans votre trou ; vous nentendez rien aux idées modernes ! » La dispute se prolongeant, les deux partis délèguent des représentants à la police, qui jugera le différend. Cest ce quelle attendait : elle rend son verdict en ces termes : « Lendoctrinement est insuffisant ; encore un mois détude, et vous serez mûrs pour la réforme. »
Le dimanche suivant, à la surprise indignée de la plupart des chrétiens, la salle de réunion est inondée dofficiels qui sinstituent examinateurs des chrétiens. Évidemment la science de ceux-ci sur les trois autonomies savère scandaleusement déficiente
Il faut changer de méthode et dinstituteurs
Aux votes ! Devant cette pression et cette mauvaise foi éhontée, le catéchiste de Monseigneur se désiste : on élit cinq chrétiens, qui seront chargés pendant un mois denseigner aux chrétiens le sens exact - cest-à-dire gouvernemental des trois autonomies. Le mois durant, les chrétiens devaient obligatoirement assister, au mois deux par famille, aux réunions dendoctrinement. La matière était distribuée et sériée par notre ami le policier : toutes les calomnies quon ressasse contre lÉglise, fourrière de limpérialisme en Chine. Devaient aussi participer à ces réunions nos orphelins et nos orphelines. Lendoctrinement a porté ses fruits, au moins extérieurement. Un orphelin de 15 ans déclarait en pleine réunion : « Jusquen 1949, la doctrine de lÉglise était pure ; depuis lors, elle a été souillée par limpérialisme. » Cependant sur la question de la séparation avec le Pape, tous les chrétiens, même les progressistes, ont refusé de consentir ; le gouvernement a dû transiger pour le moment.
Un tel travail a eu son couronnement à la réunion préparatoire pour constituer le comité de la Réforme : toutes les familles chrétiennes devaient y participer, ainsi que les chefs de toutes les communautés de Tali. Lassemblée ouverte, les chrétiens se sont tous abstenus de parler ; des officiels ont dû pérorer pendant trois heures sur les dangers de limpérialisme, qui sinfiltre en Chine par les missionnaires étrangers. Ce fleuve déloquence a eu sa digne conclusion dans le prêche frénétique dun pasteur protestant, qui a évoqué les grands ancêtres, Luther et Calvin, et voué à lenfer tous les missionnaires étrangers. Les esprits ainsi éclairés, on a procédé aux votes par un scrutin de cinq noms imposés par la
police. En pouvait-il être autrement ? Notre ami, lémissaire, rayonnait : cétait son grand jour.
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