SPIRITUALITÉ - Les vertus du Sacré Cœur : le dévouement

Cette vertu vient corriger les réserves que pourrait inclure l’obéissance. L’obéissance, loin d’exclure la générosité et le dévouement, les suppose. Nous apprécions chez notre Fondateur son audace pour se lancer dans la reconstruction de l’Église, malmenée par la Révolution française. Il s’est investi pleinement en particulier dans l’éducation de la jeunesse (écoles, collèges) et dans le réveil religieux de la foi catholique à travers les missions proposées dans les paroisses qui étaient comme des retraites de 2 à 3 semaines. Ici aussi, son modèle, c’est le cœur de Jésus dans son grand élan d’amour : « Me voici sans retard, sans réserve, sans retour ! Générosité immense, mais réglée ! Générosité qui s’applique aux devoirs, aux convenances de la position actuelle ; générosité immense, qui trouve un champ digne d’elle, aussi vaste, où elle peut se déployer, glorifier Dieu, aussi bien dans le sein de Marie, dans la crèche, dans la pauvre maison de Nazareth, que dans les splendeurs du ciel, à la droite du Père éternel » (DS 42). « En avant toujours », « camp volant » sont des recommandations faites maintes fois pour indiquer ce dévouement à mettre en œuvre. Une autre formule de St Michel que nous apprécions : « Il faut exercer l’immensité de la charité, dans le cercle borné de son emploi » (DS 312). Le Fondateur n’est pas l’homme des demi-mesures ; il est pour un engagement total. Peu lui importe l’emploi exercé, la position tenue, c’est la disposition intérieure qui est l’essentiel, le cœur mis à l’ouvrage : « Il faut travailler à l’œuvre de Dieu joyeusement, fortement, au jour le jour, sans s’occuper du succès ni du lendemain » (DS 234). Il a été l’homme du Oui sans hésitation, sans condition, sans doute. Mais en même temps il fut l’homme du juste milieu, de la mesure « un oui qui a toutes les générosités mais aussi toutes les délicatesses et le sens aiguë des bornes providentielles ». « Sans retard et sans précipitation, sans réserve et sans prodigalité, sans retour et sans entêtement » (Corr. I, lettre 39)

Aujourd’hui, cette vertu est aussi à promouvoir dans un monde où l’engagement est parfois timide, où tout se paye et se monnaye sans laisser de place au bénévolat. Nous sommes parfois surpris de la place exagérée donnée à la rémunération ; il reste peu de place au gratuit. Les cours de rattrapage coûtent chers ; les services rendus dans la fonction publique sont tarifés… Où va ce monde si tout doit se payer ! Quel modèle transmettons-nous aux jeunes ?

Ou bien parfois, ce dévouement est orchestré à coups de publicité ; les dons généreux sont médiatisés et les ONG fleurissent pour se faire remarquer. Ainsi même le dévouement peut être entaché d’orgueil et de besoin de reconnaissance ! Le conseil de Jésus est toujours d’actualité : « Que ta main gauche ignore ce que donne ta main droite » (Mt 6, 3). Lorsque le dévouement est déformé par ce besoin, il devient dangereux : « Certains ont un besoin instinctif d’aider les autres, parfois au nom de Dieu et de la justice. Ils agissent de plus en plus généreusement, récoltant par là des preuves d’affection de ceux qu’ils ont aidés. Leur qualité devient leur ennemie. Leur générosité, parce qu’elle provient du besoin de se sentir indispensable et aimé, et non du désir d’aider les autres à trouver la liberté, provoque leur chute » (Jean Vanier). Le danger qui guette le dévouement est évité lorsque la discrétion lui est associée ; là aussi notre Fondateur puise dans l’Incarnation cette qualité qui fait souvent défaut à notre monde : « Il reste neuf mois dans le sein de sa mère, trente ans à Nazareth, avant de prêcher son Evangile et de mourir pour notre salut. Il attend pour faire le bon plaisir de son Père » (DS 284).

1) Comment, dans nos différents engagements vivons-nous « l’immensité de la charité » ? Se mettre en avant ou laisser les autres nous mettre en avant ne sont-ils pas des risques que nous avons expérimentés ?

2) Permettre aux autres de prendre leurs responsabilités nous demande de veiller à rester « dans les bornes de notre position » ; quelles sont nos expériences en ce domaine ?

3) La discrétion ne semble plus une valeur où la publicité a tant d’importance. Comment faisons-nous pour vivre cette valeur évangélique ?

Les vertus du Sacré Cœur - Conclusion générale

La pédagogie de Dieu, c’est de refuser la force et la puissance en adoptant l’amour qui ne s’impose pas mais se propose pour être adopté par l’homme positivement. « C’est ainsi que Dieu nous a aimés » ! Le désir de Dieu, c’est de vouloir attirer en toute liberté, en nous associant à Lui. Si Dieu est un « Dieu fondu en charité » vivant entièrement depuis l’éternité dans un amour trinitaire, c’est ainsi que Dieu projette les relations interpersonnelles ; nous ne pouvons en rester au stade de la contemplation, nous sommes invités à l’imitation.
De plus, l’Incarnation est pour nous un modèle d’élan et de générosité provoqué par un amour gratuit envers les hommes. C’est à cet épanouissement de tout notre être qu’il nous appelle ; nous ne perdons rien en nous donnant aux autres ; au contraire c’est là que nous nous réalisons pleinement en donnant la chance à d’autres de s’épanouir. Du cœur de Jésus au cœur du monde, c’est là notre chemin de bonheur.

Laurent Bacho, scj