Spiritualité

Noël, la naissance du Christ qui rend visible au monde son Incarnation – devrait être pour les religieux bétharramites (et pour les laïcs qui partagent leur charisme et leur spiritualité) la fête qui les rappelle au « cœur »  de leur être et à l’exigence de leur action.

Saint Michel a été émerveillé, fasciné par l’amour de Dieu qui précède chacun de nos mérites et qui s’est rendu visible, tangible dans sa plénitude par l’Incarnation du Verbe, qui s’est offert au Père par son « Me Voici » pour se mettre au service des hommes, avec toute sa vie, jusqu’au sacrifice de la Croix.

Le Verbe a pris l’Incarnation au sérieux : il est devenu entièrement et pleinement « homme », « chair », et ce choix du Verbe est définitif : le Me Voici du Christ incarné est éternel. Ce choix total, la vérité du partage, la pérennité de l’identification (sauf dans le péché, mais le Christ s’est néanmoins « fait pécheur » pour nous) témoignent du « sérieux » avec lequel il s’est mis au service des hommes.

Et saint Michel a perçu tout le « sérieux » de l’Incarnation : le « scandale » d’un Dieu qui entre avec humilité et faiblesse dans l’histoire de l’homme pour partager avec lui la précarité et la faiblesse (tout en offrant les indications et les moyens de les surmonter) a poussé saint Michel à se mettre sans réserve à la suite du Christ, pour imiter et suivre sa « folie d’amour ».

Les fils de saint Michel aussi sont appelés à prendre au sérieux l’Incarnation qui doit se prolonger et se concrétiser parmi les hommes à travers leur vie et leur œuvre d’évangélisation.

Notre congrégation est une congrégation, (nous répète, en synthèse, la Règle de Vie), qui a pour tâche propre (identité) de reproduire le Me Voici du Christ (modèle) pour le salut des hommes (mission).

L’Incarnation du Christ nous appelle (en tant qu’héritiers de saint Michel) à repenser et à actualiser la notion d’’Incarnation”. Cela dit, “s’incarner” veut dire aller au milieu des hommes, se rendre visible, comprendre les situations personnelles et culturelles de chacun, percevoir les tensions et les interrogations des personnes, partager leurs problèmes, leurs espoirs, leurs attentes et préparer des instruments de salut et de rédemption.

Tout ceci a été - de manière sublime - l’Incarnation du Christ.

Faire revivre le Me Voici de l’Incarnation, qui est la tâche des bétharramites, religieux et laïcs, signifie s’incarner aujourd’hui dans l’Histoire et dans l’Église. C’est en quelque sorte la “condamnation” des bétharramites : l’actualité de notre charisme est pérenne, dans la mesure où il est un souci constant pour les attentes et les questions de l’homme, en tout temps, toute situation et toute culture. De la même manière que l’Incarnation du Christ au milieu des hommes est pérenne...

Noël (c’est-à-dire l’Incarnation, la “réalisation” du Me Voici) se présente comme le fondement conscient et indispensable de chaque dimension, tant spirituelle que pastorale, de la vie et de l’œuvre des bétharramites : c’est la racine de notre “spiritualité” de l’Incarnation. Le Verbe a choisi l’humanité et il s’est fait pauvre, il s’est fait solidaire de chaque personne blessée, humiliée, persécutée ou dans le besoin : des “rejets”, dirait aujourd’hui le pape François.

Le chemin des héritiers de saint Michel passe inévitablement (si l’on veut être “bétharramite”) par le mystère de l’Incarnation. Sur ce chemin, nous rappelle saint Michel, nous devons faire nôtres les sentiments qui ont guidé le Cœur du Christ incarné : charité, humilité, douceur, obéissance, dévouement, sentiments qui jaillissent des premiers mots du Verbe : “Ecce venio, Me Voici”.

L’Incarnation implique une tension : vers Dieu et vers l’homme. Une relation qui devient élan, oubli de soi et qui s’alimente par l’attention à l’Autre et aux autres et devient, en les expliquant dans l’histoire, projet et don.

Célébrer Noël c’est, pour les fils et disciples de saint Michel, se plonger dans ce mystère de l’Amour de Dieu, rendu visible et tangible par l’Incarnation, pour y puiser motivation, lumière et force, afin de rendre présent, dans le mouvement perpétuel et incessant de l’Histoire et des cultures, l’Amour Incarné... qui appelle toujours à de “nouvelles incarnations”  : les nôtres.

Ennio Bianchi scj