Spiritualité

Dans le département de Tacuarembo (Uruguay), où la densité de population n’atteint pas les 6 habitants au km2, nos frères bétharramites (P. Angelo, P. Wagner et F. Victor) offriront cette année à la communauté chrétienne locale la joie d’une fête de Noël partagée devant l’autel.

A l’approche des célébrations de Noël, j’éprouve un peu de nostalgie en pensant à la maison de mes parents. On y préparait la crèche avec des bouts de bois, des figurines en terre cuite et des fruits de saison que nous nous partagions, après le souper du réveillon, le rosaire et les grandes embrassades chargées des vœux de Noël.

Cette année, loin de la chaleur familiale, Noël aura néanmoins tout son sens : je le passerai avec ma communauté religieuse dans notre réalité missionnaire en Uruguay et en y célébrant auprès des populations rurales. Après de longues années, ces communautés pourront de nouveau le fêter en célébrant l’Eucharistie. Grâce à la mission bétharramite, Noël prendra une valeur renouvelée : ce sera l’offrande d’une autre manière d’incarner la foi dans la vie, d’y découvrir et d’y contempler Jésus dans la vie de la communauté.

Intervention de Dieu dans l’Histoire des hommes, la Nativité, à travers célébrations et événements, est une fête qui permet de revivre le moment de l’Incarnation de Dieu dans notre humanité. Quel spectacle ! pourrait-on dire avec saint Michel.

Je ne me lasse pas de contempler la « disponibilité » de Marie et de Joseph dans le mystère de l’Incarnation. Tout d’abord, Dieu lui-même prend l’initiative de se révéler dans l’Ecce Ancilla de Marie comme dans l’obéissance de Joseph. Il y a ensuite la joie engendrée par l’œuvre de Dieu qu’exprime le Cantique de Marie. C’est enfin le courage de Joseph cheminant jusqu’à Bethléem et y trouvant un endroit, à la fois humble et magnifique, où le Sauveur pourra naître.

Le « Me voici » de Marie, de Joseph, et surtout, de l’Enfant Dieu, se manifeste dans cette petite étable et se déploie dans la fragilité, la vulnérabilité et la pauvreté. En plantant sa tente parmi nous, Dieu a voulu faire que toutes ces misères trouvent un sens dans la Volonté de la Miséricorde et de l’Amour.

La Nativité est un spectacle prodigieux qui émerveille saint Michel Garicoïts. L’Incarnation du Fils de Dieu est le secret ressort qui le poussa à faire l’expérience du dépouillement de soi, pour devenir petit, un “rien”. Il prit conscience de son humanité vulnérable, pauvre, misérable, en contemplant le Fils qui assumait sa condition d’homme. Dans cette crèche, cette pauvreté, le saint contempla aussi un chemin, bien réel et particulier, tracé par Dieu ; dès lors il regarda vers cet horizon, réussissant à y discerner, voir et contempler les desseins de Dieu pour les suivre, tels que l’Enfant humilié, anéanti de la crèche les manifeste.

C’est cette même intuition et ce même esprit qui me guident dans l’action pastorale et surtout comme religieux-frère appelé à vivre cette étape d’insertion missionnaire. Noël renouvelle le sens de la vie et de la réponse à faire à Dieu. Pour moi, l’attente de cet événement est véritablement un moment propice qui permet de voir et de juger les choses aussi bien de l’intérieur qu’autour de soi ; la mission bétharramite devient ainsi l’instrument de la volonté du Père ; le « Me Voici » que nous professons manifeste réellement l’intervention de Dieu dans l’humanité de ceux qui partagent avec nous la vie et la foi.

La réalité que je vis ici en Uruguay me fait partager la situation de ceux qui vivent avec nous comme de ceux qui nous observent ; tous, ils peuvent réellement voir la bonté de Dieu et sa miséricorde, dans la vie de la communauté religieuse ou dans la vie personnelle de chaque religieux, et surtout, à travers nous, combien Il est proche de tous.

La Naissance de l’Enfant Dieu comme ouverture et auto-révélation de Dieu pour nous, nous invite à re-découvrir sa volonté dans notre propre misère et, à travers la relation avec les autres, en partageant le don du charisme, à témoigner de l’amour infini de Dieu dans les limites de notre position.

En tant que bétharramite, la célébration de la Nativité m’incite à renouveler avec ferveur, l’amour et la confiance envers le Père en redisant sans cesse “Fiat Voluntas Dei”; c’est comme un étendard que l’on élève pour montrer le chemin, dans l’accomplissement de la charité. Si nous ne rendons pas présent dans notre vie le message par lequel Dieu se révèle à nous et si nous ne partageons pas avec les autres la joie de l’amour, nous tombons dans la même médiocrité que celle dans laquelle le peuple d’Israël est tombé en cachant la Lumière sous le boisseau alors qu’elle devait éclairer toute la maison, ou en taisant la Nouvelle qui devait parvenir aux confins de la terre.

La Crèche nous montre comment communiquer cette expérience de Dieu à ceux qui ne l’ont pas encore vécue. Enracinée dans la rencontre avec Lui, elle est une manifestation joyeuse et pleine d’espoir pour ceux qui se sont sentis abandonnés et oubliés.

Que le « Me Voici » de Jésus, contemplé et vécu par saint Michel, dont nous avons hérité par le charisme, ne soit pas un refuge manifesté uniquement dans les sanctuaires ou devant la foule ! Que ce soit un pèlerinage constant de notre cœur vers le Cœur de Jésus, nous maintenant dans la condition de « Camp volant » ! Soyons prêts à vivre l’aventure de l’Evangile à laquelle nous avons été appelés. Que l’option d’un bétharramite ait toujours pour point de départ le mystère de Dieu ! Que sa présence soit perçue dans la lumière de la foi et qu’avec le concours de la Grâce, nous soyons capables de vivre comme des hommes « idonei, expositi et expediti », dans la Volonté de Dieu, prolongeant ainsi le Me Voici du Verbe Incarné.

Victor Torales scj