Le Cahier Fondeville (8)

Document rédigé à Bayonne il 30 août 1856
pour l’envoi en mission en Amérique,
signé « Garicoïts Ptre Supr »

En cette année 1855 eut lieu le renouvellement du conseil, et c’est alors que Mgr l’Evêque proposa la mission d’Amérique. Cette œuvre fut inspirée par le besoin spirituel des émigrants basques et béarnais formant une population de près de 100 000 âmes à Buenos Aires et à Montevideo. La proposition était dictée par la charité et le zèle tant de l’évêque de Buenos Aires que de notre évêque, qui voulait consoler le cœur de l’évêque américain, affligé de ne pouvoir secourir ce grand peuple étranger.

On n’en appelait donc point à l’obéissance et à la désignation par Monsieur le Supérieur des sujets qu’on devait envoyer outre mer. A la charité qui proposait répondait la charité qui acceptait. L’acceptation fut unanime : c’était ensuite à chacun à demander à Dieu la lumière pour connaître sa volonté, pour l’accomplir. Messieurs Guimon, Barbé, Larrouy, Sardoy et Harbustan de Barcus, ces derniers curés dans le pays basque, se présentèrent pour passer en Amérique.

Monsieur Ducasse de Ibos (Tarbes) aspirant au sacerdoce, pourvu de son exeat, était à Bétharram depuis plus de 11 ans. Il fut ordonné prêtre en 1855 et reçu dans la congrégation ; on l’envoya comme maître d’études à Oloron, Orthez, après l’avoir occupé dans l’institution de Bétharram pendant plusieurs années.

Cependant la maison d’Orthez nous envoyait trois ou quatre sujets bien distingués : messieurs Cachica d’Orthez, Bernède de Bézingrand et Carrère d’Abos. Ils entrèrent dans le noviciat. Plusieurs frères entrèrent aussi. Il le fallait bien pour avoir des associés à donner à nos messieurs destinés au Nouveau Monde et pour remplacer les sortants et ceux que le Bon Dieu rappelait à lui. (...)

A l’arrivée des messieurs de Sainte Croix on renouvela le Conseil et on pourvut au remplacement de M. Larrouy par M. Chirou et M. Cazaban prit sa place dans l’administration. Pour les missions elles continuèrent ; l’élan augmentait, les populations s’émouvaient, surtout cette année où le Saint Père venait d’accorder un jubilé (...).

La fin de l’année 1855 et les six premiers mois de 1856 furent employés à confectionner le trousseau des futurs apôtres de l’Amérique et des deux frères servants Fabien et Joannès, de M. Magendie disciple de M. Barbé et son parent.
Monsieur le Supérieur trouvant dans deux jeunes frères Quillahauquy et Gaby de Bouilh né à Ainhoa, de l’intelligence et de la sagesse leur donna et leur fit donner des leçons de latin. C’était profiter de ses biens, bien disposé à recevoir du dehors tout ce que Notre-Dame lui enverrait pour combler le vide qui allaient se faire.

On était arrivé aux vacances de 1856, à la veille du départ pour l’Amérique, la distribution des prix au collège fut présidée par M. Abbadie, curé de Saint-Pé. Après avoir fait l’éloge de l’éducation chrétienne et décrit le bonheur des pères et mères qui ont le bon goût de choisir des établissements religieux et de bon exemple, M. le Président exprima des regrets d’avoir à faire ses adieux à M. Barbé qu’il connaissait depuis longtemps, ayant été son collaborateur dans le petit séminaire de Saint-Pé. Il est vrai, dit-il aux élèves et aux parents, que vous faites une grande perte, mais le bon Dieu qui le transporte ailleurs pour la gloire vous laisse toujours la protection de Marie et l’honneur de son choix. M. Garicoïts qui avait su appeler et employer celui dont nous allons être privés : avec Marie et M. Garicoïts et ses ardents collaborateurs, tout sera compensé, dépassé et même augmenté, car le sacrifice qui se fait ne servira qu’à appeler sur Bétharram de nouvelles et d’abondantes bénédictions du ciel.

Ce fut au mois de septembre 1856 que MM. Guimon, Larrouy, Barbé, Sardoy et Harbustan quittèrent Bétharram, avec les Frères Joannès et [Lhopital et le séminariste Magendie] ; ils s’embarquèrent à Bayonne ; la traversée fut plus ou moins pénible et accidentée et dura presque deux mois. Mais on eut vers la Noël de 1856 de bonnes nouvelles sur leur heureux débarquement et la bonne réception qui leur avait été faite par Monseigneur l’évêque et par son clergé. On leur procura un logement convenable et on leur assigna une église rapprochée pour l’exercice de leur ministère. En même temps M. Barbé annonçait qu’il préparait un bâtiment assorti pour un collège, parce qu’on peut lui envoyer aussitôt des aides en grand nombre; car il jugeait d’avance que les fruits seraient plus abondants pour leur ministère, si l’on pouvait donner à la jeunesse une éducation solide et chrétienne.

Simon Fondeville scj
(1805-1872)
(à suivre)