Les laïcs et le charisme de Bétharram

Argentine, professeur de physique et sciences naturelles, María Eugenia aurait pu travailler dans un de nos collèges bétharramites. Eh bien, non. Son lien avec notre Congrégation est tout autre et son parcours si singulier, qu’elle nous raconte ici, nous permet d’apprécier combien l’attrait du charisme de saint Michel Garicoïts a de force quand notre vie, nos œuvres et nos mots le communiquent avec simplicité, authenticité et enthousiasme.

J’ai fait la connaissance des pères de Bétharram il y a à peine plus de neuf ans, quand ils venaient célébrer la messe à Adrogué, qui était alors ma paroisse. Quand ils priaient et partageaient la Parole, je me sentais toujours en accord avec ce qu’ils disaient ou faisaient et je redressais la tête pour les écouter avec plus d’attention. Ensuite, pendant la semaine, je faisais résonner dans mon cœur ce que j’avais entendu. Au bout de quelque temps, j’ai décidé de fréquenter la Casa de Encuentro, à Villa Bétharram, et de participer à certaines activités proposées aux jeunes.

Je venais de traverser une période difficile, confuse et douloureuse. J’essayais de soigner des blessures de cœur pour recommencer à vivre. L’expérience que je vivais à la Casa de Encuentro m’aidait à regarder le futur avec plus d’espoir et à prendre ma vie en main.

Rétrospectivement, je vois bien les premiers pas que j’ai faits à l’époque. Au début, il m’a fallu remettre un peu d’ordre en moi-même et recommencer à faire des projets. J’ai ensuite commencé à suivre un chemin dans les pas d’un Dieu qui s’était fait Homme pour moi  ; puis je suis allée à Sa rencontre dans sa Parole, qui commençait avec tendresse à m’orienter et à me soigner. On ne m’a pas laissée seule sur ce chemin. J’ai été accompagnée tout du long par des religieux et des laïcs, qui m’ont acceptée telle que j’étais et m’ont appris, entre autres, à discerner, à me livrer, à recevoir, à risquer, et qui sont devenus la présence de Dieu dans ma vie : des visages et des cœurs bien réels à travers lesquels Dieu m’aimait et me permettait de l’aimer, à travers Bétharram.

Des religieux ont eu la gentillesse de m’inviter à participer avec eux et d’autres laïcs au travail fait en direction des jeunes. Malgré mon manque d’assurance et le peu que je pouvais offrir, je n’ai pas su dire non, car je ne pouvais garder pour moi le trésor que j’étais en train de découvrir.

C’est là qu’a pris naissance, autour de la Casa de Encuentro, la petite communauté dont je fais partie : de jeunes couples avec leurs enfants, des religieux, des laïcs non mariés et d’autres en recherche. Je crois que cela nous a fait et nous fait encore beaucoup de bien de travailler avec les autres, de partager les rêves, les espoirs, les joies et les souffrances de chacun, et surtout de savoir que nous sommes des compagnons de route les uns pour les autres.

Face à toutes ces expériences, j’ai demandé au Père Daniel González scj s’il voulait bien m’accompagner personnellement ; il a accepté avec générosité d’être le témoin de l’œuvre que Dieu accomplissait dans ma vie.

J’ai donc fait l’expérience des Exercices Spirituels, par étapes, sur plusieurs années. Comment transmettre fidèlement la valeur de cette expérience si profonde, si humaine, si transformatrice, si intégrale ? Je ne m’en sens pas capable. Je ne peux que remercier le Seigneur d’avoir donné à saint Ignace cette capacité de sonder le cœur de l’homme pour offrir à tous les membres de l’Eglise un chemin pour se connaître soi-même, pour rencontrer le Seigneur et s’ouvrir aux autres. Je rends grâce en particulier pour la lucidité de notre père saint Michel Garicoïts, qui a su puiser à cette source et indiquer un chemin aux Bétharramites qui suivaient ses pas.

Un charisme que je sens mien, un espace dans lequel je peux mûrir intérieurement et rencontrer Jésus, et qui m’offre la possibilité de travailler pour les autres, une communauté qui m’aime et qui se laisse aimer, le contact avec moi même à travers les Exercices Spirituels pour découvrir la miséricorde de Dieu et son projet d’Amour, l’accompagnement personnel qui m’a permis de grandir dans la confiance en la vie, envers les personnes et en mes possibilités : tout ceci a été et continue d’être le terreau nécessaire pour m’ouvrir et découvrir que ma vie a du sens dans la mesure où je peux me sentir aimée et encouragée à aimer les autres.

D’une façon mystérieuse, dans ce parcours vers une plénitude de vie, j’ai découvert que je souhaitais consacrer ma vie de laïque à Dieu, dans Bétharram, en partageant le même charisme que les autres, avec le quotidien d’un laïc, et par une consécration semblable, mais différente, à celle des religieux. Je ne peux en dire beaucoup plus sur ma vocation, car je la découvre de manière intuitive en la vivant. Je sais cependant qu’elle remplit ma vie et me rend très heureuse.

Depuis quelque temps, quand on me demande comment je vais, je réponds spontanément que je suis heureuse ! Et je peux dire que si je le suis c’est bien parce que Dieu m’a donné la vie, qu’il m’a révélé une vocation, qu’il me donne ses enseignements à travers Bétharram, qu’il me donne de reconnaître que je suis pauvre, que j’ai besoin de Lui et des autres, qu’il me permet de l’aimer en beaucoup de personnes, qu’il m’aime à travers de nombreuses personnes et parce qu’il dit à mon cœur qu’il veut que je vive et que je sois heureuse. Ceci me remplit d’espoir, car dans l’Incarnation, la joie de Marie a été suivie de la fécondité ; je sais donc qu’un jour, par la grâce de Dieu et avec l’aide des hommes et des femmes, je pourrai donner du fruit pour le Royaume, et que cela aura lieu au sein de Bétharram.

María Eugenia Martearena